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Une chose importante à savoir sur l’industrie hollywoodienne, c’est que pour y faire pleuvoir les billets verts, le timing est essentiel. Et c’est peu dire que certains films en ont fait les frais. Retour ce mois-ci sur The Rocketeer, ou l’injustice faite film.
“Jenny, prepare yourself for a shock: I’m the Rocketeer.- The Rocke-who?” Cliff and Jenny.
Un an après la sortie de Raiders of the Lost Ark, l’auteur-illustrateur Dave Stevens, fanboy invétéré de tonton Spielberg, crée un nouveau héros de comic-book inspiré par le revival des serials rétro. The Rocketeer apparaît donc dans le paysage des comics des années 80 et fait l’effet d’une petite bombe. Avec son héros à mi-chemin entre Indiana Jones et Iron Man (un soldat de l’US Air Force propulsé par un jet pack en pleine seconde guerre mondiale), ses femmes pulpeuses et son humour décalé, le titre fait un tabac dans les bookstores américains.
Dix ans plus tard, après le carton d’Indiana Jones and the Last Crusade, les décideurs de Walt Disney Pictures voient en Rocketeer une franchise juteuse potentiellement capable de prendre la relève des aventures du célèbre archéologue. C’est peu dire que la douche qui suivra la sortie du film sera froide. Glacée même. Parce que oui, on ne va pas se le cacher, The Rocketeer fut un flop commercial assez monumental. Une claque de plus sur les fesses déjà écarlates du studio aux grandes oreilles après la décennie de cauchemar qu’ils venaient de vivre.
Nous sommes en 1990 donc, et les rênes de ce next big thing qu’est Rocketeer se voient confiées au jeune Joe Johnston, un spécialiste des effets spéciaux proche de Steven Spielberg (tant qu’à faire). Le scénario, chapeauté par Dave Stevens himself, nous envoie à l’aube de la seconde guerre mondiale au côté de Cliff Secord, un cascadeur qui découvre et améliore avec l’aide de son ami Peevy , une mini fusée qui permet de voler à des vitesses folles dans les airs. Armé de cette nouvelle tech de dingue, Cliff devient le Rocketeer, pourfendant, nazis, gangsters et politiciens véreux à tour de bras.
Dans le rôle-titre, on découvre Billy Campbell (The Killing), un simili Christopher Reeves qui joue de sa mâchoire carrée avec une affolante dextérité tout en insufflant au personnage une candeur assez bienvenue. Le voir s’exciter comme un gosse un matin de noël à chaque fois qu’il utilise son jet pack est un cadeau du ciel pour tout spectateur ayant su garder son âme d’enfant (et son âme tout court). Dans le rôle du sidekick rigolo, caution blockbuster familial oblige, on retrouve l’excellent Alan Arkin (Edward Scissorhands) qui incarne Peevy, une sorte de Doc Brown mécano, paternel et bienveillant. Jennifer Connelly, peut être la plus belle femme du monde à l’époque, et Timothy Dalton complète un cast, qui avait, vous l’avez compris, de quoi enterrer la concurrence. Mention spéciale au futur ex-James Bond qui incarne un Neville Sinclair aussi charismatique que fêlé.
Ajoutez à cela un scénario simple mais intelligent, un rythme efficace, des décors classieux, une iconisation subtile du héros, des effets spéciaux assez bien troussés (ILM, oklm), une mise en scène élégante et vous obtiendrez l’une des plus grandes injustices hollywoodiennes des années 90, à ranger rageusement au côté du Darkman de Sam Raimi.
Les raisons de l’echec ? La sortie quelques semaines plus tard de l’immense Terminator 2 : Judgment day, le film le plus attendu de l’année. Dans leur frénésie marketing d’obtenir une franchise à même de poursuivre sur la voie tracée par la trilogie Indy, les producteurs de Disney ont mis le paquet sur le côté rétro du film, finissant par le faire ressembler, aux yeux du grand public, à un ersatz ringard face au monstre technologique de James Cameron. Avec le recul, le film apparait aujourd’hui comme plus proche dans l’esprit du Superman de Richard Donner ou de la trilogie Back to the Future. Ce qui, en matière de références, se pose là.
Heureusement l’attachant Joe Johnston se remettra de cet échec avec l’énorme succès de son film suivant, Jumanji. Ironie de l’histoire, il triomphera en 2011 avec l’excellent Captain America : First Avenger, dont Rocketeer peut se lire comme une superbe version beta. En définitive, le gadin de The Rocketeer est symptomatique d’une époque ou Hollywood bradait ses films sur l’autel de la hype sans réellement prendre conscience de la richesse de leur contenu. Pire encore, il constitue un cas d’école, dans la mesure où il est aujourd’hui très largement oublié du plus grand nombre parce qu’une poignée de décideurs n’avait pas tenu compte d’un élément fondamental : la versatilité du public.
Alors faites un beau geste pour la planète, matez Rocketeer. Et plus vite que ça.
THE ROCKETEER, de Joe Johnston (1991). Avec Billy Campbell, Jennifer Connelly, Timothy Dalton, Alan Arkin.
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