La recommandation de Timo
Pour ce mois de septembre, je vous propose de vous jeter sur Night Eaters. Ce comics est la nouvelle collaboration entre l’autrice Marjorie Liu et la dessinatrice Sana Takeda, les créatrices du banger qu’est Monstress. En plus, mes partenaires de BDfugue vous offrent un ex-libris si vous l’achetez via ce lien. Cool, non ?
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“They may be drinkers, Robin, but they’re still human beings.”- Batman
En ces temps de débâcle pour l’univers cinématographique DC et son Bat-Ben Affleck, les fans de tous poils cultivent avant l’heure une certaine nostalgie pour la trilogie Dark Knight. S’il est vrai que la sacro-sainte œuvre de Christopher Nolan a redéfini en profondeur la nature d’un caped crusader devenu en l’espace de 8 ans une pure allégorie des peurs du monde moderne (dérives autoritaires, guerre contre le terrorisme), les derniers essais de Zack Snyder ont, quant à eux, entériné l’image d’un super-schizo plus dark que du pétrole brut. Popularisée dans les années 80 par les comics de Frank Miller, cette interprétation sérieuse et torturée de l’univers de la chauve–souris n’a pas toujours fait autorité dans les hautes sphères de la culture pop, loin s’en faut. Un petit retour en arrière s’impose les enfants, à une époque où vos parents étaient en culottes courtes et où le seul film issu des comics DC opposait Superman à d’improbables nains de l’enfer (Superman and the Mole Men).
Nous sommes en 1966 et le monde connait une révolution culturelle sans précédent. Embarqués dans ce bouillonnement créatif et sociétal, les super-héros envahissent alors les médias : dessins animés, séries TV et strips quotidiens pullulent. Tandis que Stan Lee et Jack Kirby donnent naissance à toute une constellation de personnages iconiques pour la maison Marvel (Hulk, Thor, Spider-Man, Iron Man, les X-Men…), DC Comics capitalise sur ses trois icones historiques : Superman, Batman et Wonder Woman. Ce retour des supers sur le devant de la scène, qui sera plus tard baptisé l’Âge d’argent, impose une nouvelle génération d’artistes qui font de cette période un formidable vivier créatif. C’est dans ce contexte que débarque la série télévisée Batman, dont le succès fulgurant engendrera rapidement un long-métrage.
Portée par une poignée d’acteurs en lycra, cette incarnation sixties du comics de Bob Kane vaut son pesant de champignons hallucinogènes. Adam West y incarne un Bruce Wayne/Batman flegmatique affublé d’un costume qui érige le combo slip-collant au rang d’œuvre d’art tandis que son Robin (Burt Ward) y va de sa simili jupette. Ensemble, ils combattent le crime dans un Gotham en carton-pâte, grimpent aux immeubles en rang d’oignons, éclatent des sbires à tour de bras à grands coups de «Pow ! » « Wham ! » et « Kaboom ! » colorés. Une adaptation camp des aventures du duo dynamique à côté duquel les Flash Gordon et autres Barbarella feraient presque figure d’études sociologiques.
L’intrigue du film est une sorte de menu best-of de ce que l’on pouvait trouver dans la série. Le Joker, Riddler, le Pingouin et Catwoman, les quatre plus grands criminels de Gotham City, unissent leurs forces et leurs cerveaux malades pour commettre le kidnapping ultime : l’intégralité des représentants du conseil de sécurité des Nations Unies. Pour triompher, Batman et Robin doivent déjouer une série d’attentats tous plus alambiqués les uns que les autres. Ce postulat simple comme bonjour mais plutôt bien pensé offre de purs moments de bonheur. Dans une séquence, le Joker piège Batman à l’aide d’un Jack-in-the-box géant en l’envoyant à travers une fenêtre au bas de laquelle l’attends une pieuvre aux tentacules explosifs. Épique. Dans une autre, il se retrouve aux prises avec un squale tenace sur l’échelle d’un hélicoptère en vol. Naturellement, nos héros ont toujours les gadgets adéquats pour se tirer des mauvais pas, à l’image de l’inénarrable « Bat-spray anti-requins ».
En revoyant le film cinquante ans après sa sortie, impossible de ne pas prendre en compte sa dimension parodique. Si les conventions du comics sont respectés, le film s’aventure sur le terrain de la satire politique, balisé par le tout récent Dr Strangelove de Stanley Kubrick (1964). Le conseil de sécurité de l’ONU y est présenté comme un corps ridicule et impuissant alors que le Pingouin se montre capable d’acheter un sous-marin atomique à un officiel de l’US Navy sans même laisser d’adresse. De même, l’imagerie du film, très portée sur le gag visuel, renvoie aux essais de Jim Abrahams et des frères Zucker dans les années 80-90 (Airplane !, Hot Shots). Difficile de ne pas pouffer de rire en revoyant la scène ou Batman tente de larguer une bombe sur un ponton en esquivant coup sur coup des nones, une fanfare, des amoureux sur une barque et une poignée de canards !
Pour le public d’aujourd’hui, l’atmosphère très WTF de ce Batman pourrait renvoyer au navrant Batman & Robin de Joel Schumacher, dans sa dimension camp et ironique. Mais la grande différence réside dans le fait que le film de Leslie Martinson demeure ultra représentatif des aspirations esthétiques et de l’humeur de son époque en embrassant sa propre absurdité. A cela, il serait plus juste de le comparer à un Deadpool par exemple. Même si cette approche du personnage de Batman est tombée en désuétude depuis fort longtemps, l’aura de cette version n’a cessé de croître au fil des décennies, au point de devenir un classique absolu de la pop culture référencé un peu partout, des Beastie Boys aux Simpsons. Un film pionnier, emblématique d’une époque ou la folie était partout.
BATMAN de Leslie H. Martinson (1966). Avec Adam West, Burt Ward, Lee Meriwether, Cesar Romero.
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