La recommandation de Timo
Pour ce mois de novembre, je vous propose d’ajouter à votre collection le troisième volet du Mythe de l’Ossuaire, l’univers partagé d’horreur rurale par excellence ! Ce nouvel opus, toujours par Jeff Lemire et Andrea Sorrentino, s’intitule Les Résidents et c’est toujours aussi bon !
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Pour son premier numéro, Comics Out a décidé d’être généreux en vous proposant non pas un, mais deux personnages. Et oui, on est comme ça chez Comics Out !
Au programme ce mois-ci, Wynonna Earp, série discrète et sans prétention qui a réussi le tour de force de captiver en deux saisons seulement (la troisième est actuellement en cours de diffusion sur SYFY et la quatrième déjà prévue au programme) un nombre toujours plus important de nouveaux et fidèles téléspectateurs.
A l’origine, Wynonna Earp naît de la plume de Beau Smith, auteur prolixe tant pour DC, Eclipse que pour IDW. Initialement publié en 1996 chez Image Comics puis chez IDW Publishing à partir de 2003, le roman graphique se revendique du « Weird West », entremêlant à la fois les codes du western et de la science-fiction entre autres, avec une touche d’occulte. On y suit les aventures de Wynonna Earp, héroïne éponyme donc, petite-fille de l’homme de lois Wyatt Earp (1848-1948), principalement connu pour sa participation à la fusillade d’O.K Corral avec un certain Doc Holliday. Elle-même membre de l’Unité Spéciale US Marshals, The Monster Squad, la jeune femme est chargée de combattre et de protéger la petite ville de Purgatory des menaces surnaturelles qui sévissent dans les alentours, à l’image de Bobo del Rey, hors-la-loi à la tête d’une horde de rustres vampires et autres zombies en tous genres.
En 2015, la chaîne SYFY acquiert les droits de diffusion et charge Emily Andras, scénariste et productrice étant déjà intervenue sur des projets télévisuels tels que Lost Girl par exemple, d’adapter le roman graphique pour la télévision, en modifiant, comme souvent d’ailleurs, légèrement la trame de l’histoire, en témoigne le synopsis officiel :
Après plusieurs années d’errances et de détention juvénile, Wynonna Earp rentre finalement chez elle. Le seul problème c’est que personne ne souhaite son retour. Mais lorqu’elle devient la seule chance, pour sa ville, d’éradiquer de mystérieux démons, Wynonna doit choisir de quel côté de la loi elle veut se battre afin de redorer une fois pour toutes le nom de son illustre et légendaire grand-père, Wyatt Earp.
Contre toute attente, la série fait mouche ! Et ce tant auprès des téléspectateurs que de la critique. Il faut dire qu’Emily Andras a l’intelligence d’étoffer le récit pour ne pas cantonner Wynonna Earp à une simple tueuse de démons. En effet, épaulé par un très bon casting au capital sympathie sans égal, emmené par la pétillante et rafraichissante Mélanie Scrofano, le scénario, que certains qualifieront de simple ou de léger, séduit néanmoins dès les premiers épisodes énormément de téléspectateurs qui sauront lui rester fidèles.
La série est notamment encensée pour son traitement des personnages féminins. Souvent considéré et même revendiqué comme un « western féminin », Emily Andras et ses équipes de rédacteurs ont effectivement réalisé un gros travail d’écriture autour de la gente féminine, une fois n’est pas coutume majoritaire dans le casting. Celle-ci n’est plus uniquement utilisée comme un faire-valoir de ses homologues masculins, mais s’impose, maîtresse de ses actions et de sa destinée, ne cachant ni ses faiblesses, ni ses difficultés et n’hésitant pas à utiliser un langage cru, chose auparavant souvent réservé aux hommes.
Deux personnages, d’ailleurs en grande partie à l’origine du succès et de l’engouement autour de la série nous intéressent plus particulièrement dans Comics Out. Il s’agit du couple formé à l’écran par Waverly Earp et Nicole Haught.
Dès la première rencontre des deux personnages, dans la fameuse scène du bar Shorty’s 1×02, la romance naissante entre les deux jeunes femmes se transforme en une intrigue fil rouge de second plan au point de quasiment voler la vedette à la trame principale de la série. En quelques épisodes seulement, une grande partie de la communauté LGBTQ s’enthousiasme autour de ce jeune couple lesbien et pour les deux actrices qui lui donnent vie.
Il faut dire que les personnages sont attachants. Waverly Earp, tout d’abord, n’est autre que la petite sœur de Wynonna. Serveuse dans le bar Shorty’s que tient sa tante à Purgatory, elle apparaît au début de la première saison comme la benjamine fragile de la fratrie Earp, notamment après avoir été témoin, enfant, du meurtre accidentel de son père par sœur aînée. Cependant, la jeune fille cache bien son jeu est se révèle finalement être une pièce maîtresse de l’histoire, par son optimisme à toute épreuve, d’une part, et par ses recherches poussées au sujet de la malédiction touchant sa famille d’autre part. Mais son importance ne s’arrête pas là. Au cours de cette même saison, on suit également les errances sentimentales de Waverly, à peine âgée de 21 ans, et ses interrogations autour de son orientation sexuelle. En effet, alors qu’elle fréquente Champ Hardy, jeune garçon très gentil mais un peu benêt, la jeune fille démontre une attirance pour l’officier Nicole Haught, au nom plus que suggestif… Cette dernière (dont le personnage n’existe pas dans le roman graphique) nouvellement mutée à Purgatory, reste, jusqu’à la troisième saison, relativement discrète quant à son histoire personnelle. Dès sa première apparition à l’écran, l’officier manifeste en revanche clairement son intérêt pour la jeune Waverly mais lui laisse le temps d’accepter et d’apprivoiser ces nouveaux sentiments.
Ainsi, désormais désignées par le #Wayhaught, les deux jeunes femmes renvoient, chose rare au sein des médias et plus généralement de la pop culture, l’image d’un couple homosexuel sain, uni, stable parfaitement intégré et accepté par leur entourage. Une image positive et ordinaire, au-delà des clichés, qui séduit immédiatement les téléspectateurs et la communauté LGBTQ, heureuse et soulagée de se voir enfin représenter sous des traits flatteurs et bienveillants.
Parfaitement lucides sur la responsabilité qui incombe à leurs rôles et sur l’opportunité qui leur est offerte de faire évoluer le regard porté sur les membres de la communauté LGBT dans les comics, les deux actrices Dominique Provost-Chalkley (Waverly Earp) et Kat Barrell (Nicole Haught) ont pris le temps, au fil des saisons, de construire, à l’écran et en dehors, une relation simple, authentique et solide, corroborant l’état d’esprit de leurs personnages. Entourées des autres acteurs principaux de la série, elles s’investissent également énormément en faveur de la cause LGBTQ, ne manquant pas une occasion d’aller à la rencontre de leurs fans lors de divers évènements tels que des défilés ou bien des conventions, à l’image de l’annuelle ClexaCon, où elles sont attendues de pieds fermes par des centaines de personnes venues partager leurs expériences et les remercier de la visibilité qu’elles offrent à la communauté. Un engagement que les fans leur rendent bien puisque les deux actrices ont été élues, l’an passé, « Tumblr’s best ships of the year ».
En passe de devenir iconique, l’impact de #Wayhaught dans les médias d’un point de vue de la représentation queer est tel que les fans – cette communauté hétérogène, ultra connectée, extraordinairement investie et concernée par le devenir de la série, notamment active et présente sur les réseaux sociaux où dessins et photos se bousculent – organisent eux-mêmes des conventions dédiées à leurs héroïnes préférées, ou bien militent afin de récolter de l’argent reversé ensuite aux associations défendant la cause LGBTQ.
Par conséquent, le modeste comics a donc fait du chemin, et il est clair que ni Beau Smith, ni Emily Andras, ni même le reste des acteurs ne s’attendaient à devenir le porte étendard d’un tel mouvement. Cependant, il est indéniable que Waverly Earp et Nicole Haught auront, à elles seules, marqué l’Histoire de la représentation queer dans les comics de leurs empreintes, et ce n’est pas fini !
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