La recommandation de Timo
Le mois de décembre est souvent synonyme de fêtes de fin d’année et, pour ce mois particulier, je ne peux que vous recommander The Marvel Nightmare Art of Peach Momoko ! Que ce soit pour l’offrir à quelqu’un ou se l’offrir soi-même, cet ouvrage qui regroupe de multiples dessins de la dessinatrice Peach Momoko en mettra plein les yeux !
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Depuis sa création, le corpus de récits de Batman se composent de plusieurs centaines d’histoires réalisées par une kyrielle d’artistes. Au gré des époques, au gré des personnalités qui s’imbibent de la mythologie batmanienne ainsi qu’au gré des attentes éditoriales ou du public, la figure de Batman a revêtu de nombreuses facettes. Du menaçant détective du début au sombre Chevalier Noir en passant par le Prince de Gotham, Batman a été retourné dans tous les sens. Pourtant, il ne cesse de se réinventer alors que ses bases sont figées. De Bob Kane à Sean Murphy en passant par Jim Aparo, Neals Adams ou encore Frank Miller entre autres, nous allons vous présenter quelques visages pris par le héros de Gotham depuis sa création jusqu’à nos jours. Les oeuvres ont été choisies ‘presque’ de manière aléatoire en veillant à reprendre toutes les époques depuis sa création. Nous vous présenterons ce panel au travers de 3 articles : le premier partant de la création du héros jusque 1944, période aussi appelée âge d’or; la deuxième partie reprendra les quatre décennies suivantes pour s’arrêter à 1985 ; enfin, le dernier article partira des oeuvres de Frank Miller jusqu’aujourd’hui. Attention, ces articles n’auront pas la prétention d’être exhaustifs, nous avons choisi de vous présenter quelques personnalités de Batman alors qu’il en existe, vous l’aurez compris, presqu’autant qu’il y a d’artistes. Par ailleurs, certaines perceptions d’auteurs existent à la même époque voire se perpétuent d’une génération à l’autre.
Il était une fois,
Au printemps 1938, l’industrie de la bande-dessinée est bouleversée par l’arrivée d’un nouveau type de personnage, un homme d’acier venu d’ailleurs, sauveur de la veuve et de l’orphelin : Superman. Le succès du héros de Jerry Siegel et de Joe Shuster est immédiat et phénoménal. Il offre à son éditeur Detective Comics, propriétaire d’Action Comics, des possibilités financières de créer de nouveaux personnages dans le but évident d’exploiter un filon inédit jusque là. L’idée du rédacteur Vin Sullivan est d’équilibrer les tirages des 2 périodiques en inventant un justicier costumé pour Detective Comics. Après consultations et essais infructueux, Sullivan se tourne vers un jeune dessinateur freelance du Bronx qui fait de la bande-dessinée pour une autre filiale de Detective Comics et lui propose une carte blanche pour créer un personnage récurrent dans le magazine phare. Le jeune dessinateur, Robert Kane, va donc réfléchir et essayer de créer un personnage. Assez rapidement, il trouve une silhouette avec un loup lui couvrant le visage et des ailes rigides et encombrantes fichées dans le dos. Ce personnage bariolé n’a ni origine, ni concept mais Bob Kane le nomme ‘the Bat-Man’ ! Malgré les maladresses, le rédacteur Sullivan perçoit un certain potentiel mais le projet n’est pas encore mûr pour être publié. Conscient de ses limites narratives, Bob Kane va demander de l’aide à son ami d’enfance Bill Finger, scénariste de quelques récits de bande-dessinées d’aventure et de science-fiction. Grand amateur de littérature pulp (magazine littéraire très bon marché), Bill Finger va être influencé par deux d’entre eux pour créer son futur ‘héros’. Il s’agit d’une part, du détective hors pair, limier infaillible qui suscite la crainte chez les malfaiteurs : The Shadow de Walter B. Gibson. L’autre influence majeure vient de The Scarlet Pimpernel (baronne Orczy) dans lequel apparait sir Percy Blackeney, un riche dilettante qui revêt nuitamment l’identité du héros éponyme pour sauver des aristocrates anglais de la Révolution française. Vous aurez donc reconnus les traits saillants qui sont à la base du premier récit de The Bat-Man.
Le personnage est ainsi créé et sort finalement en mai 1939 dans le Detective Comics n°27 avec un premier épisode intitulé : “The Case of the Chemical Syndicate”. On y retrouve un certain Bruce Wayne, homme mondain qui, en mal de sensation et d’occupation, rend de régulières visites au commissaire Gordon. Lors d’une de ces rencontres, un meurtre est annoncé au commissaire. Les deux hommes se rendent sur place pour découvrir la scène de crime et interroger le suspect principal. A peine sur place, le commissaire Gordon est prévenu qu’un autre méfait est en train de se produire en lien avec celui-ci. Sur les lieux de l’autre meurtre, on découvre pour la première fois The Bat-Man, justicier implacable.
Ce premier court récit de 6 planches – ce sera le cas également pour les autres récits pendant un an – nous montre un Bat-Man qui n’est pas encore soumis au code moral strict qui le définira plus tard. Il se soucie d’avantage de la justice voire de la vengeance que du caractère sacré de la vie humaine. On note également une ambiance bien plus sombre, presque horrifique : c’est d’ailleurs assez remarquable dans l’épisode 31 (“The Monk”). Il faut tout de même rappeler que durant les 5 épisodes qui suivent l’apparition de Batman, Bill Finger est remplacé par Gardner Fox beaucoup plus gothique dans son approche. Cependant, les deux se rejoignent sur les scènes plus violentes, plus létales. Nous ne sommes donc pas encore, non plus, dans les codes du superhéros mais dans ceux de la pulp. Cette période du héros taciturne et froid va perdurer jusqu’au DC n° 38 (avril 1940) où apparait Dick Grayson, le premier Robin. C’est à ce moment seulement que le sombre héros de Gotham va non seulement accepter de l’aide mais surtout s’occuper de quelqu’un dont les origines se mélangent aux siennes et, tel un père vis-à-vis de son fils, Batman apprend les techniques à son jeune coéquipier tandis que Bruce Wayne apprend les ‘bonnes’ moeurs à son pupille. C’est seulement à ce moment précis, où la guerre qui est en train de débuter en Europe, que la vie humaine même des antagonistes prend une valeur sacrée.
L’âge d’or
Au printemps 1940, après une dizaine d’épisodes de quelques planches, le succès acquis dès sa sortie est toujours présent ce qui pousse Detective Comics à publier en parallèle à son mensuel une revue trimestrielle de 64 planches intitulée simplement Batman. La machine à plus de 500.000 exemplaires est lancée, l’équipe à la production s’étoffe autour des auteurs originaux de plus en plus sollicités. La mythologie se met en place et ce, de manière pérenne : une origine dramatique du héros, une cité imaginaire en lien avec Métropolis (de Superman et de Fritz Lang évidemment) ; une panoplie technologique ; un villa familiale réaménagée ; une galerie de personnages déjà bien fournie : le commissaire Gordon, le Joker, Catwoman, Dick Grayson etc… Alfred connaîtra sa première apparition début 1943 et prendra ses traits définitifs en fin d’année.
Le succès de ces premières années ne se dément pas, le public se prend de passion pour le tandem Batman et Robin, tant et si bien que le cinéma lui tend tout naturellement les bras puisque Columbia Pictures via Larry Darmour Productions réalise un premier serial nommé sobrement The Batman. Cette première série est constituée de 15 épisodes et est diffusée entre le 16 juillet au 22 octobre 1943. On y retrouve les légendaires Lewis Wilson sous les traits de Bruce Wayne/Batman et Douglas Croft dans les rôles de Robin/Dick Grayson. Une nouvelle saison débutera dès le 24 décembre 1943. Ces serials sont dans la plus pure veine des aventures de papiers.
L’intersaison est l’occasion pour Detective Comics de battre le fer puisqu’en plus de tout ce qui précède, la maison d’édition charge Jack Schiff (éditeur adjoint) de produire une bande quotidienne de Batman pour les journaux, ce qu’on appelle de l’autre côté de l’Atlantique : ‘the Dailies’. Cette série d’aventures, Batman & Robin, va mettre en scène le tandem tous les jours pendant plusieurs années. En résumé, une bande de 3 à 4 cases en noir et blanc sort chaque jour du lundi au samedi et le dimanche, est publié une planche couleur dans un quotidien par l’intermédiaire d’une agence, ici l’agence McClure jusqu’en 1946. Pour les amateurs, voici un petit détail technique qui va marquer l’imaginaire de comics. La plupart des bandes étaient dessinées sur du papier à dessin Craftint (de l’entreprise Craftint dans l’Ohio) qui comporte un motif de petits points presqu’invisibles sur une face. Lorsque l’artiste appliquait un liquide révélateur au pinceau, les points devenaient presque noirs (les fameux pointillés noirs) ce qui permettait au coloriste de réaliser des ombres grisées dans un environnement de noir et blanc. Un autre élément important de ces Dailies, ils sont scénarisés et dessinés par le tandem des créateurs alors Dick Sprang et Jerry Robinson se chargent des périodiques.
Au fil des histoires, qui durent une dizaine de semaines environ, nos détectives mènent des enquêtes avec beaucoup d’allant, de courtoisie et de succès. Ils sont perçus comme des héros ou des stars, le public et les protagonistes attendent leur intervention presque comme des groupies. Il faut dire qu’ils combattent l’injustice et les crimes avec droiture et sagacité.
La caractéristique majeure de cette première époque, c’est l’aspect détective des personnages : ce ne sont pas les gadgets impayables qui amènent à la solution mais le talent de déduction, d’enquêteur du tandem qui permet de résoudre les affaires (le titre du premier épisode en est la plus belle évocation). Pour Batman et Robin, l’essentiel des qualités d’un enquêteur réside dans son intelligence, ses valeurs, la complicité et la confiance envers ses partenaires (le commissaire Gordon est indiscutablement un partenaire) même si les muscles, l’agilité, l’endurance et un Batplane sont bien utiles. En réalité, nous sommes encore loin de la figure de super-héros que le chevalier noir prendra des décennies plus tard.
Autre point fondamental dans la posture batmanienne : l’apparition de Robin. Ce dernier permet vraiment de sortir du Batman qui élimine les malfrats avec un absolu dédain (pas comme le Punisher mais sans mauvaise conscience malgré tout) à un détective qui va sauver n’importe quel gothamien même si cette attitude le met en danger. Par ailleurs, Bruce Wayne passe d’orphelin à tuteur, ce qui lui permet d’extérioriser la mort de ses parents, ce qui lui donne une filiation, lui le célibataire endurci. Cette personnalité va devenir le modèle pour la plupart des oeuvres futures.
Enfin, il n’est pas anodin de dire qu’à l’origine, Gotham est une ville ordinaire. Ses forces de polices, ses politiciens n’apparaissent pas encore comme corrompus et le crime n’est pas aussi prégnant qu’il ne le sera plus tard. Cette vision ‘normale’ est évidemment à mettre en lien avec l’époque difficile que connait l’Amérique avec la récession économique et la deuxième guerre mondiale.
Dans les bandes quotidiennes, le travail scénaristique est particulièrement intéressant puisqu’en plus d’avoir une vision globale, Bill Finger met un point d’honneur à créer du suspens à la fin de chaque bande avec plus ou moins de réussite. Autre point intéressant à relever dans les Dailies, la voix off écrite en dehors des phylactères complètent les lacunes et comblent le manque d’images (cette remarque vaut également pour les courtes histoires dans les périodiques) alors que dans des histoires plus conséquentes publiées en une seule fois, cette voix off apparaît répétitive par rapport au dessin, voire redondante.
Cette première période est l’âge de l’apprentissage de la narration sur papier et, appelons un chat, un chat, Bob Kane n’est pas le plus grand dessinateur de l’histoire. Will Eisner vient de débuter le Spirit dans la seconde partie des années 30 et Hergé, qui a un peu d’avance est freiné par la seconde guerre mondiale. Le dessin est donc rempli de maladresses et d’erreurs techniques : perspectives erronées, enchainement d’actions sur deux cases irréalistes, proportions exagérées (la taille des jambes des danseuses sont exagérées pour mettre en avant le côté sexy de celles-ci), l’éclairage (qui permet de travailler les ombres) peu étudié. Cependant on soulignera le travail sur le mouvement hérité d’Hergé, le travail sur les matières, la finesse de l’ancrage (surtout de Charles Paris).
En résumé de cette première époque que l’on nommera plus tard l’âge d’or de Batman, on passe d’un détective – justicier masqué radical à beaucoup plus de finesse sans pour autant renier le détective brillant et s’il connait une première révolution majeure elle est autant liée à l’époque troublée par un conflit mondial (le duo est sur le devant de la scène pour divertir, émerveiller le public bref le sortir de sa morosité) que d’universaliser les héros pour augmenter le nombre de lecteurs. Le rythme de parution et la diversité des médias utilisés impliquent également beaucoup de créativité, beaucoup de nouveaux personnages, d’autant plus que les histoires sont courtes voire très courtes. Le succès est sans conteste dû à la brillante idée de Bill Finger d’intégrer un acolyte plus jeune au côté du personnage principal très (trop) austère alors que Robin amène beaucoup de couleurs (vives) grâce à son costume et son caractère ce qui permet aux lecteurs plus jeunes de mieux s’identifier au jeune héros fougueux.
Retrouvez-nous bientôt pour la suite des découvertes des personnalités du Prince de Gotham.
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