L'Univers des Comics

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Batman, le héros derrière l’époque (partie 2/3)

Batman : Les visages derrière le masque

La nouvelle édition à avoir dans sa bibliothèque !

Urban Comics sortent ce mois-ci des éditions de luxe de trois de leurs comics DC ! S’il y en a un à ajouter sa bibliothèque, sans aucune doute, c’est l’iconique Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons !

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Dans la première partie de nos évocations des différentes personnalités de Batman, nous nous étions arrêtés sur la figure paternelle, solide et souriante pour Dick Grayson et soutenu par l’amitié et la confiance mutuelle envers Alfred. Le héros de Gotham est un détective hors pair, il est l’ami de la police et aucun criminel ne résiste à l’intelligence (et aux gadgets) de nos héros. 

La fin de la seconde guerre mondiale ne va pas changer grand chose puisque s’ouvre une période de reconstruction et l’Amérique a gagné la guerre, l’optimisme est donc roi. Si l’atmosphère est propice à la continuité, un changement est malgré tout à signaler : Dick Sprang s’installe comme dessinateur principal du studio de Bob Kane. Cela aura pour conséquence un trait plus caricatural visible sur le visage très anguleux de Batman ainsi que sur son torse devenu herculéen. Robin a toujours le sourire aux lèvres et sa témérité est sa principale caractéristique. Rayon criminels, l’excentricité et le pittoresque sont de rigueur le tout dans des scénario de plus en plus fantasques, quoique crédibles, pour le plus grand plaisir des lecteurs. Bob Finger s’en donne à coeur joie : le ton est humoristique et Batman toujours détective. On retiendra quelques éléments intéressants  comme l’association de “bat” à chaque objet appartenant au héros donne une plus value à la série. La marque Batman est en train de percoler dans le cerveau des enfants. La batcave a également un grand impact sur le lecteur puisqu’il s’agit d’un endroit mystérieux et romantique où l’on peut être qui l’on veut connu de soi seul.


The Black Bat Down

Cependant, malgré l’apparition de personnages haut en couleur comme Edward Nygma ou de Selina Kyle pour féminiser un peu le comics, le début des années 50 est particulièrement difficile pour les super-héros exception faite de Superman qui a l’avantage d’une série animée pour enthousiasmer ses ventes. La raison première a cette chute remarquable est le manque d’innovation, de remise au gout du jour par l’équipe éditoriale dont Finger et Kane font partie. Alors que leur lectorat grandit, la concurrence est passée à l’action et publie des histoires idoines comme le mythique Tales from the Crypt (écrites notamment par W. Gaines) au succès exceptionnel. Ce type d’histoire d’horreur ou plus glauque plaît aussi aux plus jeunes mais ils ne peuvent le lire ce qui en fait des objets de culte. Tout ce nouveau foisonnement plus dur, plus violent attire le regard de tristes personnes peu recommandables comme ce pseudo-psychiatre F. Wertham qui éructe ses idées polies par sa morale puritaine au travers différents articles dont l’objectif est de discréditer les comics. Son slogan : les comics amènent à la délinquance juvénile ! En 1954, un rideau de fer tombe sur le monde de la création pour jeune : on promulgue le Comics Code Authority sorte de manuel de la bienséance à destination des enfants. Quiconque l’enfreint s’expose à l’inquisition et la censure du conseil. Cela va marquer profondément pendant des nombreuses années les personnalités et les histoires des comics. Pour mieux cerner ce phénomène, DC retire tous les superhéros exception faite de Superman le blockbuster, Wonder Woman et le Dynamique duo. Naturellement, pris au dépourvu et sans idées nouvelles, les ventes de Batman chutent encore et toujours tant et si bien qu’en 1958, pour ses 20 ans, DC envisage purement et simplement de supprimer son héros gothamien de ses futures publications alors que d’autres héros ont fait leur retour avec succès. 

Jack Schiff, le big boss éditorial va donner une tournure nouvelle au Dynamique duo pour redresser le paquebot s’enfonçant inexorablement vers les abysses : en pleine course à l’espace (programme Spoutnik etc…), Batman et Robin vont voyager dans l’espace et, plus étonnant encore, dans le temps ! De 1958 à 1964, les lecteurs seront arrachés à leurs habitudes, au décor de Gotham. Le meilleur exemple se trouve dans le Batman n°113 publié en février 1958 : Batman – The Superman of the Planet X. Batman est transporté sur la planète de Zur-En-Arrh où il reçoit des pouvoirs équivalents à ceux de Superman pour lutter contre une horde de robots envahisseurs. Le lecteur nage en pleine ultra science-fiction mais sans aucun guide, sans aucun développement sérieux alors que cette histoire regorge de concepts novateurs (ce qui engendrera quelques années plus tard, les premières cohortes de Geeks). 

Parallèlement, dès 1955, DC lance un nouveau magazine. Si dans un premier temps, ce nouvel opus sert d’anthologie à des personnages disons secondaires, The Brave and the Bold deviendra à partir du numéro 25 un périodique d’essai : nouveaux personnages, nouveaux concepts, nouveaux talents. On y verra apparaître pour la première fois la Justice League of America où l’on associe Superman, The Flash, Wonder Woman et Green Lantern. Ce laboratoire étudie sous toutes les coutures ce qui marche le mieux pour pouvoir réutiliser les bonnes formules dans les magazines des héros spécifiques. Finalement et presqu’inévitablement, Batman va être intégré d’abord en guest-star puis en  devenir le pilier. Dans ces (et ses) années de doutes, il apparaît comme une évidence pour DC que Batman est LE personnage auquel le public tient le plus car dans le fait qu’il n’ait pas de super-pouvoirs, Batman doit être adaptable, il doit tirer sa force de n’importe quelle situation. Le lecteur croit en l’importance de Batman ce qui témoigne de sa force de facto. A noter également que c’est dans ce périodique, véritable creuset créatif, que l’on retrouve les fans les plus intéressés, les plus fidèles et les plus connaisseurs.  

Cependant, la transition vers l’âge d’Argent n’est pas encore atteinte loin s’en faut. Les ventes des périodiques Detective Comics et de Batman sont toujours sous les espoirs entrevus dans The Brave and the Bold. Les raisons sont à chercher dans l’émergence de Marvel qui a su trouver la formule pour plaire à tous (avénement de Stan Lee) et ne pas être embêté par le Code. L’époque est toujours assez hostile aux comics. Enfin et surtout, l’image qui colle au Prince de Gotham est un héros du passé incapable de s’adapter à la jeunesse contemporaine. 


A New Look

L’année 1964 apparaît donc comme le réel tournant pour Batman. Pour son 25ème anniversaire, tout change, enfin presque : nouvelle direction avec la nomination de Julius Schwartz, un relooking des magazines et d’autres innovations touchant aux personnages. Ce changement radical frappe le lecteur soudainement : du jour au lendemain, ils prennent un magazine avec une nouvelle maquette, avec des récits où la nouvelle technologie et les innovations architecturales sont intégrées. Mais en plus, Batman s’ancre enfin dans un contexte où la mixité sociale est représentée avec son injustice et sa complexité. Si les enquêtes du Chevalier Noir redeviennent réalistes, il devient le chantre de l’injustice sociale. Une renaissance exige son lot de victime expiatoire sous le feu purificateur, le DC n° 328 est marqué par la mort d’Alfred dont une fondation sera créée à sa suite pour venir en aide aux souffrances des gothamiens. On ressort aussi d’anciens personnages mis au ban par cet infâme code moral dont les prises sont de moins en moins fortes (Catwoman) ou on en crée d’autre comme Poison Ivy pour féminiser d’avantage le public et créer un soupçon de sensualité au travers ces femmes fatales. Robin murit et se voit confier une tâche plus importante auprès des Teen Titans. Enfin, C’est au tour de Carmine Infantino de revisiter les traits devenus trop lourds de ses prédécesseurs : le visage est émacié, les traits sont plus fins, plus légers, l’anatomie respectée avec soin, les costumes sont retravaillés, un halo jaune est placé sous le logo rappelant le bat-signal. Finalement, pour récupérer les lecteurs de Brave and the Bold et se défaire complètement du passé, le Batman originel devient celui-ci de Terre II et le nouveau de Terre I, celle de la JLA. Le travail a été imposant, il a fallu aller profondément mais Julius Schwartz ne s’est pas trompé : Batman est de retour sur le devant des kiosques et en phase avec son époque. Et qui dit succès, dit intérêt d’Hollywood. 


Na na na na 

L’an 1966 marque le premier avénement du Prince de Gotham devenu roi de DC. La série télévisée produite par William Dozier passe sur ABC deux avant primetime par semaine ! A l’instar de James Bond sur lequel elle lorgne beaucoup, la série s’appuie sur un casting réussi dont les mythiques Adam West et Bert Gervis (Burt Ward) dans les rôles du Duo Dynamique. On y voit toute la culture pop a son sommet : couleurs extravagantes, véhicules fantasmagoriques, un humour second degré délicieux et puis un générique qui sonne encore aux oreilles des fans des générations plus tard. Bref, le comics prend vie et le succès de la saison 1 (34 épisodes) est complet aussi bien critique que commercial. La marque Batman se répand dans tous les segments. Rien ne semble arrêter ce succès dès lors tout y passe : un film avec la quasi totalité des acteurs de la série (le succès sera mitigé car tout est semblable à la série), de nouveaux Dailies voient le jour, les stars d’Hollywood veulent apparaitre au côté de Batman et Robin, les comics papiers (où l’on ressuscite à la hâte Alfred bien présent dans la série) se vendent énormément au grand dam des fans d’origine. Le noyau dur de The Brave and the Bold reproche, à juste titre, un trop grand écart avec leur héros fétiche et une mauvaise image du genre super-héroïque.  

La saison 2 composée de 60 épisodes (!) n’est plus qu’un énorme patchwork aux scénarios trop éculés et trop disparates à cause des apparitions des guest-stars. Une saison 3 est tout de même produite de justesse mais elle est refondue, la trame est retravaillée et centrée sur une nouvelle Batwoman qui prend les traits d’Yvonne Craig. Le succès revient mais ABC renonce finalement à continuer. Cependant, la syndication permettra à la série d’être diffusée sur les chaines locales pendant de nombreuses années encore. 


A New Hope

Comme à Prague ou à Paris, 1968 est l’année de grands changements chez DC. La société vient d’être rachetée alors que l’arrêt de la série télévisée a amené les ventes à un niveau historiquement bas. C’est la fin d’une ère, Bob Kane tire (enfin) sa révérence et avec lui l’obligation d’avoir 30 planches de son studio par magazine Batman (ce qui était clairement un frein à la créativité). Cependant, l’image de Batman se trouve engluée aussi par la série et son humour omni-présent. Batman n’est plus crédible !

Quatre ans après sa refonte complète, Julius Schwartz est de nouveau obligé de faire le tri par le vide pour trouver une recette qui fonctionne de manière durable. Exit les auteurs de l’ancienne génération et bienvenue aux jeunes artistes au sang neuf, voire aux hippies ! On découvre la version sombre et un peu gothique de Frank Robbins mais indéniablement le magazine The Brave and the Bold tient déjà son prochain talent et quel talent : Neal Adams ! Sa vision du Batman est aussi stupéfiante que nouvelle : un héros sombre, mystérieux presque vampirique avec un costume quasi hypnotique. Finalement Neal Adams associé à Denny O’Neil se voient confier les clés du carrosse DC et Batman au tout premier numéro de 1970 (DC n° 395) : Robin est envoyé à l’université mais reste disponible au cas où, Batman redevient la crainte de Gotham, la violence et l’horreur réapparait (la Contre-Culture est en marche), plus de sourire, le sérieux reprend le dessus. Tout est beaucoup plus sombre, plus lourd. Les références à la série sont soigneusement éliminées voire éradiquéés. Le duo d’auteurs va même inventer un nouvel ennemi à la mesure de Batman, un ennemi intelligent et formé aux arts de la guerre comme nul autre, un ennemi immortel qui porte une mission d’envergure planétaire et non plus pour son propre compte : Ra’s al Ghul devient l’ennemi invincible le plus puissant jamais proposé au défi du Chevalier Noir. Et pour corser le tout, la fille de Ra’s al Ghul, Talia, femme fatale, donne enfin à Bruce Wayne la sexualité qui manquait au personnage. Les fans sont unanimes, ils ont alors la meilleure version de Batman. Robins, Adams ou Aparo non seulement redonnent goût de Batman aux lecteurs mais ils vont lui donner des caractéristiques dont ils ne se défera plus ou qui seront le germe de sa future évolution. 

Incapable de se remettre du départ de ses talents, avachis par le succès, Schwartz quitte le navire en 1976 alors qu’une nouvelle fois le bateau ne répond plus. DC a alors une idée lumineuse en engageant Jenette Kahn qui va confier les postes importants aux bonnes personnes et détecter de nouveau talent tel Doug Moench, Steve Englehart ou encore Marshall Rogers. En parallèle, les dessins animés reprennent la place de la série tv mais avec une intégration plus idoine pour le jeune public et sans faire d’ombre aux comics papiers traditionnels. 


Au cours de ces quatre décennies que nous venons de brasser, Batman a subi de nombreuses transformations. La plupart du temps à contre-temps de l’attente du public parce que son éditeur avait un coup de retard trop occupé par son héros kryptonien. DC et Bob Kane n’ont pas vu venir non plus l’immense vague Marvel portée par le génial Stan Lee. Branché sur courant alternatif, le Prince de Gotham a cependant touché la gloire mais il y a eu un prix à payer : railleries, manque de sérieux, seulement pour les Geeks, mise au ban de plusieurs personnages… La roche Tarpéenne n’est jamais loin du Capitole. Pourtant, des profondeurs sont ressorties les qualités qui manquaient jusque là : le charisme et la complexité psychologique. Cette  renaissance centrée sur la formidable équipe de D. Giordano est la dernière marche de l’évolution du Batman : solitaire, sombre, englué dans une lutte contre le crime qui corrompt le pouvoir et un dessin libéré du dictat de Bob Kane. Finalement, en 1985, le dernier acte de cette époque argentée se ferme sur le tout premier crossover à l’échelle d’un éditeur entier : Crisis on Infinite Earths ! Comme indiqué dans son slogan : « Des mondes vont survivre. Des mondes vont périr. Et l’univers DC ne sera plus jamais comme avant ! » Au terme du conflit du multivers DC, une seule version de la Terre subsiste et tout, même pour Batman, recommence à zéro… 

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