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Jeff Lemire et son penchant pour les monstres – ITWV of Jeff Lemire 8/9

Découvrez l'attrait pour les monstres de l'auteur canadien

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Bienvenue dans cet avant-dernier numéro d’Into the Writer-Verse of Jeff Lemire ! Après avoir analysé la scénarisation en histoires parallèles de cet auteur canadien ultra-versatile en septembre, puis l’omniprésence du thème de la paternité dans ses comics le mois dernier, nous avons décidé d’aborder aujourd’hui un autre aspect récurrent de la bibliographie de Jeff Lemire. Ici, nous nous centrerons davantage sur les personnages qui composent les histoires de Lemire et il y a bien un type de personnage qui revient régulièrement : les monstres.

Monstres en tous genres

Quand on parle de monstres, on parle vraiment de tout type de monstre. Jeff Lemire semble avoir un affect particulier pour la présence de monstres ou créatures monstrueuses dans ses histoires. C’est par exemple le cas du run de l’auteur sur Old Man Logan chez Marvel. Dans ce comics dessiné par Andrea Sorrentino, Old Man Logan affronte à plusieurs reprises des créatures monstrueuses, comme les Reavers, des mutants cyborg, ou le Hulk Gang, les descendants de Hulk.

Parfois, il s’agit plus simplement du monstre typique dans le sens de l’archétype : l’antagoniste qui amène la peur chez les héros. Par exemple, dans le comics indépendant créé avec Jock Snow Angels, les personnages principaux, une civilisation polaire qui vit dans la Tranchée entourée de grandes berges glacées, ne quittent pas cette Tranchée par peur de se faire tuer par les monstres qui rodent sur les berges ou encore par le mystérieux Snowman. Les monstres sont ici davantage utilisés comme menace latente et il importe peu de savoir à quoi ressemblent ces monstres au final.

Les monstres peuvent parfois faire partie des protagonistes. Typiquement, durant sa période chez DC Comics, Jeff Lemire s’est beaucoup penché sur ce type de personnages, à commencer par le comics Animal Man. Maxine, la fille d’Animal Man, attrape aussi des pouvoirs et les deux héros se retrouvent à rentrer dans le monde surréaliste du Sang, l’entité qui contrôle les forces animales, une réalité dans laquelle l’auteur fera la part belle à de nombreuses créatures.

Toujours chez DC, c’est un grand classique des monstres que Lemire a mis à l’honneur dans Frankenstein: Agent of S.H.A.D.E.. Le comics se centre en effet sur le personnage de Frankenstein en héros principal mais ce n’est pas tout. Frankenstein se retrouve à mener une nouvelle équipe, les Creature Commandos, dans laquelle se retrouvent notamment un loup-garou, un vampire et même une momie.

Après, il arrive aussi qu’un personnage alors humain se transforme en monstre. C’est notamment l’histoire qui est narrée dans Family Tree, un comics indépendant écrit par Lemire et dessiné par Phil Hester dans lequel un enfant se retrouve à mystérieusement se transformer en arbre. Cela donne ainsi lieu à des dessins d’un enfant à moitié humain, à moitié arbre, rarement vu dans d’autres histoires.

Les monstres sont donc légion dans les comics de Jeff Lemire, mais si un monstre ne dépendait pas seulement de son apparence ?

Les figures monstrueuses

Un être humain peut parfois être considéré comme un monstre du point de vue du lecteur, et ce de plusieurs manières. Par exemple, dans le best-seller Gideon Falls dessiné par Andrea Sorrentino, Jeff Lemire a choisi pour personnage principal un homme que le lecteur ne peut que trouver répugnant dès les premières pages. Celui-ci pense trouver les secrets de la ville dans ses déchets et il est ainsi constamment entouré de ceux-ci.

D’une toute autre nature, Bloodshot Reborn chez Valiant Comics, dessiné par Mico Suayan, voit Bloodshot – lui-même une sorte de cyborg – pourchasser des hommes ayant récupéré une partie de ses propres nanites. Par les actes de ces derniers, que certains qualifieront de monstrueux, Lemire aborde notamment une fusillade dans une école par l’un de ces fugitifs.

L’exemple le plus parlant toutefois d’un être humain qui n’est pas à proprement parler un monstre mais agit certainement comme une figure monstrueuse depuis des années est celui du Joker. Jeff Lemire a notamment écrit la mini-série Joker: Killer Smile, avec à nouveau Andrea Sorrentino au dessin, et rentre dans l’esprit tordu du clown prince du crime et ennemi juré de Batman. Le comics dépeint la monstruosité qu’incarne le Joker et montre que l’être humain peut lui-même devenir un monstre.

La monstruosité de l’être humain

Au-delà du fait que les êtres humains peuvent parfois être des monstres, un thème que Jeff Lemire aime aborder dans ses comics est la réaction que les êtres humains peuvent avoir face à autrui quand il est hideux, laid, tout simplement différent dans son apparence. Alors que de base on pourrait se dire que ces êtres hideux ou personnes différentes sont les monstres de l’histoire, on se rend vite compte que ce sont les autres être humains qui agissent avec monstruosité en rejetant autrui, en pointant du doigt les différences ou voulant même éliminer celui qui est différent.

L’un des meilleurs exemples de cette critique de la société en filigrane se trouve dans Sweet Tooth. Une pandémie est survenue et depuis celle-ci, tous les enfants qui naissent sont des hybrides mi-humains, mi-animaux. Les adultes, qui y voient la source du virus, les étudient et veulent même les éliminer. Leur traitement, comme le fait qu’ils soient séquestrés dans des cages et pourchassés tel du gibier, démontrent toute la cruauté dont les humains peuvent faire preuve.

Un grand classique dans le même style chez Marvel est l’émergence de la race mutante. Jeff Lemire a eu l’occasion de travailler sur les X-Men dans Extraordinary X-Men, une série dessinée par Humberto Ramos dans laquelle les mutants se retrouvent en voie d’extinction à la suite d’un nuage de brume Terrigen sur l’ensemble de la planète terre. Déjà rejetés de la population humaine pour leurs différences, les mutants se retrouvent cette fois-ci aussi victimes de l’indifférence des humains, qui voient en leur extinction la résolution d’un problème.

A une échelle moins globale, un bel exemple de la cruauté humaine se retrouve dans le roman graphique The Nobody. Un étranger arrive dans une petite ville, couvert de bandages et portant des lunettes étranges, dissimulant ainsi la totalité de son visage. Cette histoire inspirée de L’Homme Invisible se centre sur les interactions du personnage en milieu rural, voyant les villageois le défigurer du regard, parler dans son dos et automatiquement imaginer le mal sur cet individu, sans même lui avoir parler, poussant finalement cet étranger à mystérieusement disparaitre sous la pression. C’est ici une autre forme de monstruosité humaine et collective qui s’exprime par le jugement d’autrui et la non acceptation, au point d’en devenir violent.

Vous l’aurez compris, que ce soit des monstres en chair et en os, des monstres déguisés sous forme humaine ou de manière métaphorique, la monstruosité est un sujet qui revient souvent dans les oeuvres de Jeff Lemire, au point d’en retrouver dans bien plus de comics que ceux discutés aujourd’hui. Nous aurions pu parler du comics Thanos écrit par Lemire chez Marvel, de la mini-série Swamp Thing: Green Hell de chez DC ou encore de ses plus récents comics indépendants Fishflies et – le titre est ici assez équivoque – Little Monsters.


Avant d’explorer ces différentes oeuvres, nous vous proposons de patienter une semaine de plus pour lire notre sélection des meilleurs comics pour découvrir Jeff Lemire, en guise de conclusion à la première saison d’Into the Writer-Verse ! Soyez au rendez-vous !


Lisez les comics abordés dans cette analyse


(Re)lisez les autres numéros d’Into the Writer-Verse of Jeff Lemire :

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