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OLD BUT GOLD: Eightball

A la découverte des pépites du passé

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Bienvenue dans un numéro de la chronique Old But Gold ! La beauté de cette chronique est un peu à l’image du comics du jour : chaque numéro est différent. Même si la chronique se penche sur des comics primés, vous aurez déjà pu voir à travers les deux premiers numéros que les comics abordés sont eux bien différents les uns des autres et ce troisième numéro ne fait pas exception, car nous parlerons de Eightball. Connaissez-vous ?


Eightball : de quoi parle-t-on ?


Eightball est une série de comics qui aura tout de même duré plus de 15 ans, publiée chez Fantagraphics entre 1989 et 2004 et s’inscrivant dans la démarche des comics alternatifs à son lancement. D’abord publié sur un rythme assez régulier (en moyenne 2 par an), le comics aborde un changement à partir de 1998 et son 19e numéro, passant sur une publication annuelle et se clôturant en 2004 après 23 numéros.

Les 18 premiers numéros rassemblaient essentiellement des histoires courtes, allant d’un humour cru à des satires de la société en passant par des histoires amenant plus de réflexion. Ces multiples histoires courtes ont été par la suite rééditées à travers 5 tomes entre 1991 et 2002, ainsi qu’une intégrale des 18 premiers numéros parue en 2015. Dès ses débuts, Eightball inclut aussi dans ses numéros un chapitre d’une histoire plus longue. Ainsi, les numéros 1 à 10 formaient l’histoire Like a Velvet Glove Cast in Iron et les numéros 11 à 18 l’histoire Ghost World, deux histoires qui furent par la suite rééditées sous forme de romans graphiques. Cette approche de roman graphique deviendra la démarche principale d’Eightball à partir du 19e numéro, avec tout d’abord le roman graphique David Boring dans les numéros 19 à 21, par la suite réédité sous forme de roman graphique, puis Ice Haven en guise de tome 22 et Death Ray pour le dernier tome.

Chez nous, Eightball fut publiée par pas moins de trois éditeurs différents, au vu de la nature de la série de comics qui comporte plusieurs histoires distinctes. Les éditions Rackham ont publié deux tomes d’histoires courtes issues d’Eightball en 2000 et 2002 tandis que Vertige Graphic a publié la traduction du roman graphique Ghost World en 1999. L’éditeur le plus régulier dans la publication d’Eightball reste Cornélius, qui a publié 5 tomes entres 1999 et 2010, dont les romans graphiques Comme un gant de velour pris dans la fonte (traduction de Like a Velvet Glove Cast in Iron), David Boring, Ice Haven et Le rayon de la mort (traduction de Death Ray).

Le roman graphique Ghost World a même eu droit à une adaptation cinématographique réalisée par Terry Zwigoff, un film sorti en 2001 qui regroupait tout de même Steve Buscemi, Thora Birch et Scarlett Johansson. L’histoire courte Art School Confidential fut elle aussi adaptée en film par le même réalisateur dans un long-métrage sorti en 2006.


L’artiste derrière Eightball


Eightball est écrit et dessiné par Daniel Clowes, qui au fil du temps s’est installé dans le paysage des comics comme une véritable référence. Clowes s’est pris d’un amour pour le dessin et les histoires graphiques dès son plus jeune âge et c’est assez naturellement qu’il s’oriente vers des études dans ce domaine auprès du Pratt Institute. Déjà à l’université, il lance son propre magazine Look Mom Comics avec un autre cartooniste avec lequel il devient ami, Rick Altergott.

Daniel Clowes obtiendra ensuite son premier travail dans l’industrie du comics en 1985, à l’âge de 24 ans, contribuant au magazine Cracked jusqu’en 1989, années durant lesquelles il créera aussi son propre comics, Lloyd Llewellyn, qui fut sa première oeuvre publiée chez Fantagraphics, débutant une collaboration de longue date.

C’est ainsi avec Fantagraphics que Dan Clowes connait le succès avec la publication pendant 15 années du comics qui nous intéresse aujourd’hui, Eightball. Durant ces années-là, Clowes se concentre uniquement sur Eightball mais se lance comme scénariste de films en écrivant lui-même le scénario des adaptations d’Eightball, Ghost World et Art School Confidential. Il sera même nominé pour un Oscar en 2002 pour le scénario de Ghost World.

Après la fin d’Eightball, Daniel Clowes s’est ensuite concentré sur l’écriture et le dessin uniquement de romans graphiques Son premier roman graphique non sérialisé au préalable dans Eightball est alors Wilson, publié en 2010 chez Drawn & Quarterly et qui bénéficiera aussi d’une adaptation en film, avec Clowes à nouveau au scénario.

Ces dernières années, les romans graphiques de Clowes étaient de plus en plus longs, lui prenant ainsi de plus en plus de temps. Il retourne chez Fantagraphics pour ses deux dernières oeuvres majeures, Patience, publié en 2016, et Monica, qui vient tout juste d’être publié le mois dernier, en octobre 2023.


Le palmarès


Eightball est tout simplement l’un des comics les plus primés de l’histoire, rapportant à Daniel Clowes près d’une vingtaine de prix, majoritairement auprès des Harvey Awards. Dès son lancement, Eghtball est élue meilleure nouvelle série en 1990 devant les séries Baker Street, Beautiful Stories for Ugly Children, Denizens of Deep City, Unsupervised Existence et l’anthologie DC Legends of the Dark Knight. Le premier numéro remporte même le prix du meilleur numéro la même année, notamment devant le dernier numéro de Kings in Disguise, que nous avons abordé dans le premier numéro de cette chronique.

Après avoir été élue meilleure nouvelle série, Eightball a aussi remporté le Harvey Award de la meilleure suite de série ou mini-série les deux années suivantes, en 1991 contre les classiques Hate de Peter Bagge, Love and Rockets de Jaime et Gilbert Hernandez, The Sandman de Neil Gaiman et Yummy Fur de Chester Brown, et en 1992 devant Cerebus de Dave Sim, Doom Patrol de Grant Morrison et à nouveau Hate et The Sandman. Comme en 1990, le 3e numéro de la série sera aussi récompensé comme meilleur numéro en 1991. Cette année-là vaudra même à Daniel Clowes d’être élu meilleur lettreur aux Harvey Awards.

Cinq ans plus tard, Eightball démontre encore sa qualité sur la durée en étant une nouvelle fois élue meilleure suite de série ou mini-série aux Harvey Awards 1997 devant Astro City de Kurt Busiek, Black Hole de Charles Burns, Hellboy: Wake the Devil de Mike Mignola et Kingdom Come de Mark Waid. Cette année-là vaudra même à Clowes d’être élu meilleur auteur. En 1998, le 18e numéro, dernier de la série sous format anthologique, est lui aussi élu meilleur numéro.

Si vous pensiez que seuls les débuts d’Eightball ont été récompensés, vous êtes loins de la vérité. En 2000, Daniel Clowes reçoit l’Eisner Award du meilleur auteur/dessinateur pour son oeuvre sur Eightball, puis réitérera l’exploit en 2002, année où il reçoit aussi le Harvey Award du meilleur cartooniste, tout en voyant le 22e numéro (Ice Haven) recevoir le prix du meilleur numéro lors des deux cérémonies.

Le dernier numéro (The Death Ray) sera lui aussi élu meilleur numéro en 2005, tant aux Eisner qu’aux Harvey Awards, tandis que Clowes est élu meilleur auteur à la cérémonie des Harvey. Tout au long de sa parution, les romans graphiques Ghost World, Ice Haven et The Death Ray ont tous été récompensés par des Ignatz Awards, qui récompensent uniquement des oeuvres issus de la scène des comics alternatifs.


Pourquoi Eightball est-il un classique ?


A l’instar de l’école des comics alternatifs, ayant vocation à proposer des oeuvres allant à contre-courant de la vague de super-héros dominant le marché des comics, Eightball, par son contenu et son format, se différencie directement du comics habituel à la Marvel ou DC.

Eightball est un comics qui va glorifier tous les types de personnes généralement peu mises en avant dans les comics mainstream. Des rebus de la société aux personnages allant à contre courant en passant par les bêtes de foire, Clowes va glorifier ces minorités dans Eightball tout en satirisant les stéréotypes américains tels que le fan de sport, le macho, la fashionista ou encore les moutons du consumérisme. Le comics se vend dès le départ comme “une orgie de mépris, de vengeance, d’abattement, de désespoir et de perversion sexuelle” : inutile de vous dire qu’on ne retrouvait pas cela dans les aventures des Avengers ou de la Justice League.

Eightball est aussi la magnifique preuve sur papier de la versatilité de Daniel Clowes au sein des numéros et à travers le temps. Profitant au maximum du format anthologique des premiers numéros, Clowes alterne avec brio entre les genres et les styles de dessin, délivrant des satires de la société, des pamphlets parfois presque gratuits ou de simple gags de cartoons, tout en proposant dans le même numéro des histoires plus sérieuses telles que des contes de fée, de l’auto-biographie et de la fiction littéraire.

A travers le temps, Eightball est aussi à l’image de son auteur : une belle évolution. Le comics a tellement évolué en 15 ans qu’aucun numéro ne se ressemble vraiment. Au fil des ans, Daniel Clowes va s’essayer à de nouveau styles mais surtout jamais se reposer sur ses lauriers, augmentant encore plus la qualité d’Eightball au fil des numéros. C’est cette façon de penser et de travailler qui amènera Dan Clowes à la carrière qu’on lui connait actuellement et à des oeuvres extrêmement qualitatives comme Wilson et Patience. Au final, beaucoup de comics gagneraient à s’inspirer de l’évolution d’Eightball, un comics qui a toujours été différent des autres et différent de lui-même, se renouvelant constamment à travers les ans.

Si vous voulez découvrir Eightball, il nous est impossible de proposer un tome par excellence au vu de la nature de la série. Découvrez ci-dessous les tomes actuellement disponibles en français :

Eightball par Daniel Clowes
Comme un gant de velours fait dans la fonte par Daniel Clowes
David Boring par Daniel Clowes
Ice Haven par Daniel Clowes
Caricature par Daniel Clowes
Ghost World par Daniel Clowes
Le rayon de la mort par Daniel Clowes

Vous avez raté les numéros précédents de la chronique ? Pas de panique, retrouvez-les ci-dessous :

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