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OLD BUT GOLD: Why I Hate Saturn

Les pépites du passé

La recommandation de Timo

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Pour ce quatrième et dernier numéro de l’année 2023, Old But Gold est allé fouiller dans les comics que vous connaissez sans doute moins. Aujourd’hui, nous vous avons déniché un roman graphique et pas n’importe lequel : Why I Hate Saturn. Sans plus attendre, si vous vous demandez de quoi il peut bien s’agir, pas de panique, nous allons commencer par cela.


Why I Hate Saturn : de quoi parle-t-on ?


Why I Hate Saturn est un roman graphique publié à l’origine en 1990 chez Piranha Press, qui était à l’époque un label de DC Comics, entre-temps fermé depuis 1994. Le roman graphique, propriété intellectuelle de DC Comics, a ensuite été réédité sous leur label Vertigo dans les années 1990 après la fermeture de Piranha Press, et puis finalement par DC Comics de manière générale à partir de 2000.

Le roman graphique, malheureusement plus réédité chez nous et désormais difficile à trouver, a été publié par Delcourt en version française à partir de 1999, sous le titre Pourquoi je déteste Saturne. La bibliothèque de DC Comics étant désormais chez un autre éditeur, il y aurait de fortes chances que le comics soit réédité chez Urban Comics si une réédition devait voir le jour.

Why I Hate Saturn raconte l’histoire d’Anne Merkel, une chroniqueuse travaillant pour un journal et y connaissant un certain succès. Au delà d’avoir des facilités dans l’écriture et d’en profiter, rendant ses articles systématiquement en dernière minute, Anne est aussi une femme qui n’est jamais satisfaite et se plaint constamment. Son job, son célibat, sa soeur : elle se plaint de tout. Abonnée aux cuites de whisky, elle décide de se reprendre en main au moment où sa soeur, sortie de sa vie il y a longtemps, réapparait en pleine cavale.

Cette réapparition soudaine l’amène progressivement à revoir ses priorités dans sa vie et celle de sa famille, mêlant cavale à travers le pays, disputes du quotidien et changements radicaux de style de vie, tout en faisant des efforts pour supporter sa soeur… qui se dit être la reine des Saturniens.

Avant même que le comics soit publié, l’histoire du comics avait aussi été écrite dans le but de devenir une sitcom, avec un script qui fut rédigé par son créateur et envoyé aux différents studios hollywoodiens, mais cette adaptation ne vit jamais le jour.

Le comics en lui-même aura connu un succès certain, bénéficiant de plusieurs tirages lors de sa parution chez Piranha Press et restant comme au final le plus gros succès critique et commercial du label.


L’artiste derrière Why I Hate Saturn


Why I Hate Saturn est à la fois écrit et dessiné par Kyle Baker. Au départ uniquement illustrateur après avoir baigné dans l’univers de la publicité à travers son père et les comics qu’il adorait dans sa jeunesse, Baker devient stagiaire chez Marvel Comics lors de son cursus universitaire. Il sera finalement engagé à la Maison des Idées où il commence comme encreur, n’ayant que peu d’occasion de dessiner avant de travailler sur la mini-série Howard the Duck: The Movie à l’occasion de la sortie du film du même nom en 1986, alors que Baker n’était âgé que de 21 ans.

Suivant divers conseils d’autres illustrateurs, Kyle Baker s’essaiera ensuite à l’écriture et sortira son premier roman graphique chez Doubleday, Cowboy Wally, qui ne connait pas un franc succès mais suffit pour attirer l’oeil de DC Comics, qui engagent Baker, convaincus que celui-ci ne devait pas uniquement réaliser de l’encrage comme il faisait chez Marvel.

C’est dans ce cadre qu’il dessinera le revival de la série de comics The Shadow et sera ensuite amené à pouvoir écrire et dessiner le fameux Why I Hate Saturn. Le comics fut publié à un moment où Baker en avait marre de l’industrie du comics et celui-ci apparait de moins en moins dans les années 1990, diversifiant ses compétences en travaillant dans l’illustration plus générique et même dans l’animation, qui l’amènera à travailler sur la série Phineas and Ferb.

Kyle Baker revient aux comics à partir de 1999 et écrira et/ou dessinera plusieurs comics pour Marvel et DC, dont ses plus connus sont sans doute ses dessins sur la mini-série Marvel Truth: Red, White & Black et son travail à l’écriture et au dessin sur la série DC Plastic Man, lauréate d’un Eisner Award en 2004.

Kyle Baker a aussi fondé sa propre maison d’édition, Kyle Baker Publishing, à travers laquelle il a déjà publié des romans graphiques autobiographiques intitulés Cartoonist, et il a également rédigé un livre d’apprentissage du dessin, How to Draw Stupid and Other Essentials of Cartooning.


Le palmarès


Why I Hate Saturn n’a reçu qu’un seul prix mais a tout de même été élu meilleur roman graphique aux Harvey Awards 1991. Le roman graphique de Kyle Baker l’a emporté sur WIlderness tome 2 de Tim Truman, Enemy Ace: War Idyll de George Pratt et des pointures que furent Spider-Man: Spirits of the Earth de Charles Vess et Elektra Lives Again de Frank Miller et Lynn Varley.


Pourquoi Why I Hate Saturn est-il un classique ?

page extraite de Why I Hate Saturn

Why I Hate Saturn est une oeuvre qui s’est démarquée à l’époque car il s’agissait – et il s’agit encore aujourd’hui – d’un comics qui n’est pas construit comme un comics au niveau de sa scénarisation. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Kyle Baker avait travaillé sur une version de l’histoire sous forme de script de sitcom !

Pour commencer, le comics sort du format habituel du comics dans sa forme, étant publié (en version originale du moins) dans un format plus petit, avec une taille légèrement plus grande qu’un manga mais nettement plus petite qu’un comics habituel. Why I Hate Saturn rentre d’ailleurs plus dans la catégorie du roman graphique même si son histoire est énormément sérialisée, contrairement à un roman graphique habituel. Entendez par là qu’il est subdivisé en énormément de chapitres pour sa longueur, avec des chapitres aux longueurs fortement inégales.

Kyle Baker utilise une subdivision en case qui peut sembler banale et répétitive de prime abord, puis change tout à coup de forme pour prendre une subdivision verticale ou une subdivision se lisant sur une double page, ce qui casse volontairement le récit ou met l’accent sur un autre aspect de l’histoire.

L’histoire, justement, est un scénario qui évolue fortement entre sa première et sa dernière page. Au départ, Why I Hate Saturn, rangé dans la catégorie humour, est avant tout une histoire de la vie de tous les jours, suivant des conversations sur tout et rien, passant d’une plainte à l’autre d’Anne Merkel auprès de son meilleur ami au point d’être un roman graphique avec énormément de dialogues. L’histoire, qui semble alors d’une banalité sans nom malgré un attachement certain pour le personnage principal, passe ensuite du tout au tout lorsque la soeur d’Anne débarque dans l’histoire.

A partir de là, Why I Hate Saturn devient une histoire avec beaucoup plus d’action et une véritable réflexion sur le statu quo d’une vie et sur les priorités que les gens se mettent dans leur vie. Il s’agit d’un livre sur le questionnement et la possibilité de revoir ses priorités du jour au lendemain, des sujets assez profonds au final, pourtant mis en avant avec un emballage humoristique.

C’est sans doute en cela que Kyle Baker excelle. Il s’attarde aussi davantage sur les personnages et le contenu de leurs pensées afin de les transmettre au lecteur et, en tant que cartooniste, illustre ses propos avec ses dessins mais ne s’attarde pas sur des planches pleines de couleurs ou de détails. Why I Hate Saturn, dans sa forme comme dans son fond, c’est avant tout la simplicité : la simplicité de la vie, la simplicité de l’oeuvre, la simplicité du message. Pourtant, il est extrêmement compliqué de créer quelque chose qui a l’air simple et c’est sans doute cela qui fait de Why I Hate Saturn un classique.


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