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Old But Gold débute l’année 2024 en grandes pompes ! Il est tout simplement impossible que vous n’en ayez jamais entendu parler vu qu’il s’agit d’un des comics les plus acclamés de l’industrie. Old But Gold se penche aujourd’hui sur Watchmen, l’iconique, l’imposante oeuvre qui s’est imposée comme la pépite parmi les pépites. Mais avant toute chose, resituons de quoi il s’agit exactement.
Watchmen : de quoi parle-t-on ?
Watchmen est à l’origine une série de comics publiée en 12 numéros entre 1986 et 1987 chez DC Comics. La série fut ensuite rééditée en un seul tome dans un format relié similaire à un roman graphique dès 1987. Face à son succès, Watchmen a ensuite été rééditée à plusieurs reprises à travers les années, dont la plus célèbre reste le Absolute Watchmen, une version grand format, recolorisée et emballée dans un boitier de collection.
Bien sûr, Watchmen a aussi traversé l’Atlantique et fut publiée aussi tôt qu’en 1987 chez l’éditeur Zenda, sous la forme de 6 tomes, qui regroupaient deux numéros originaux. La série fut ensuite rééditée en deux intégrales en 1992, mais ne connaitra une réelle version intégrale en un seul tome qu’en 1998 lorsque l’oeuvre sera publiée chez Delcourt. Après que les droits de la franchise passent chez un nouvel éditeur, Watchmen est rééditée chez Panini Comics en 2007 dans sa version Absolute. Les droits de la franchise DC ont ensuite encore changé de mains et sont maintenant détenus par Urban Comics, qui publient le comics depuis 2012.
Watchmen dépeint une réalité alternative dans laquelle les super-héros ont émergé dans les années 1940 et on changé la face de l’histoire, menant notamment à une victoire des Etats-Unis dans la Guerre du Vietnam et à une imminente Troisième Guerre Mondiale en 1987. Une série de personnages originaux ont été créés expressément pour la série et sont devenus iconiques depuis. On y retrouve ainsi Ozymandias, un ancien super-héros qui est réputé être l’homme le plus intelligent sur terre et qui est devenu un dirigeant d’entreprises ; Nite Owl, un justicier hors-la-loi n’ayant pas de pouvoirs mais disposant de nombreux gadgets ; le Comédien, l’un des deux seuls super-héros agréés par le gouvernement depuis le bannissement de ceux-ci, qui est un tueur impitoyable et dont le meurtre lance l’intrigue du comics ; Doctor Manhattan, l’autre super-héros agréé par le gouvernement, qui est tout simplement omnipotent et omniscient ; et Rorschach, un détective dérangé qui arbore un masque avec des motifs des expériences de Rorschach.
Le comics a bénéficié de nombreuses suites, surtout après les 25 ans de sa publication. La première oeuvre dérivée fut un ensemble de mini-séries préquelles, Before Watchmen. L’univers de Watchmen est ensuite fusionné avec le reste de l’univers DC en 2016 avec DC Universe Rebirth tandis que les personnages de la série originelle continueront d’avoir des aventures à travers The Button, Rorschach et surtout Doomsday Clock. Watchmen a aussi bénéficié d’adaptations, à commencer par un film sorti en 2009 tandis qu’une série fut diffusée en 2019 sur HBO, servant de continuation de l’oeuvre originelle, située 34 ans après les évènements du comics. Un film animé verra même le jour en 2024, adaptant une nouvelle fois le comics.
Les créateurs derrière Watchmen
Watchmen est un comics écrit par Alan Moore. L’auteur britannique a entre temps – et notamment grâce à Watchmen – atteint un statut de légende dans l’industrie du comics, produisant certaines des histoires les plus innovantes et osées, ce qui lui a valu de nombreux prix. Débutant l’écriture de comics dans son Angleterre natale à la fin des années 1970, Moore commence à se faire connaitre au début des années 1980 en écrivant pour les magazines 2000 AD et Warrior, qui publieront plusieurs de ses histoires comme D.R and Quinch et The Ballad of Halo Jones, mais aussi l’éditeur Marvel UK, chez qui il popularisera le personnage de Captain Britain.
A la fin des années 1980, Alan Moore fait le saut vers le marché américain des comics et est engagé par DC Comics, où il publiera sa série indépendante V for Vendetta, revisitera le personnage de Swamp Thing et connaitra donc déjà le succès avec la mini-série Watchmen. Il écrira ensuite encore Batman: The Killing Joke (dont on a parlé dans un autre numéro d’Old But Gold !) chez DC, avant que celui-ci ne s’oriente vers davantage de liberté créative, menant à la création d’autres oeuvres primées telles que A Small Killing, From Hell, Lost Girls ou encore d’autres comics produits sous son propre label America’s Best Comics comme Promethea et The League of Extraordinary Gentlemen. Il a depuis arrêté l’écriture de comics depuis 2019.
A côté d’Alan Moore à l’écriture, Watchmen est dessiné par Dave Gibbons. L’artiste britannique a connu un début de carrière similaire à son compatriote, débutant les comics dans les années 1970 en Angleterre, où il dessinera principalement pour le magazine 2000 AD dès son premier numéro. Ses oeuvres les plus marquantes dans le magazine auront été ses dessins sur Dan Dare avant de collaborer déjà avec Alan Moore sur des numéros de Future Shocks.
Tout comme Moore, Dave Gibbons est déniché par DC Comics au début des années 1980, dessinant des numéros ça et là, ce qui l’amènera ainsi à dessiner Watchmen avec Moore. Après son succès sur Watchmen, Dave Gibbons aura ses premiers comics à la fois à l’écriture et au dessin, produisant d’abord la mini-série World’s Finest puis, à la fin des années 1990, la série Green Lantern Corps pour DC. Il contribuera aussi à des oeuvres indépendantes, écrivant et dessinant son propre roman graphique chez Vertigo, The Originals, et sera aussi le co-créateur avec l’auteur Mark Millar du comics The Secret Service, qui donna naissance à la franchise Kingsman.
Le palmarès
Watchmen est un comics qui va un peu à contre-courant du but de cette chronique car elle n’est certainement pas une pépite à dénicher. Toutefois, difficile de l’omettre de la période 1987-1990 analysée dans cette première saison quand il s’agit d’une des oeuvres les plus primées de l’histoire des comics.
Lors des défunts Jack Kirby Awards, cérémonie majeure de l’industrie des comics jusqu’en 1987, Watchmen avait déjà reçu plusieurs prix. En effet, lors de la dernière édition des Kirby, Watchmen avait déjà été élu meilleure nouvelle série devant les Dark Knight Returns de Frank Miller et Klaus Janson, Grendel de Matt Wagner, Jonny Quest de William Messner-Loebs et The Nam de Doug Murray et Michael Golden. Grâce à Watchmen, Alan Moore y a aussi été élu meilleur auteur et le duo Alan Moore/Dave Gibbons a été élu meilleur auteur/artiste. Les Jack Kirby Awards n’ont ensuite plus été tenus, l’organisation se divisant en deux cérémonies distinctes : les Eisner Awards et les Harvey Awards.
Watchmen est l’un des comics qui a quasiment tout raflé lors de la première édition des Eisner Awards en 1988. Le comics a en effet été primé à la fois comme meilleure mini-série – devant Elektra: Assassin de Frank Miller et Bill Sienkiewicz, Jonny Quest Classics de Doug Wildey, Kafka de Steven Seagle et Stefano Gaudiano, Valkyrie de Chuck Dixon, Paul Gulacy et Willie Blyberg, et Green Arrow: The Longbow Hunters de Mike Grell – et meilleur roman graphique pour son édition en un tome, devançant Batman: Son of the Demon de Mike W. Barr et Jerry Bingham, Night and the Enemy de Harlan Ellison et Ken Steacy, et Rio de Doug Wildey. Le comics a aussi valu à Alan Moore d’être élu meilleur auteur lors de cette édition des Eisner Awards, et au duo Alan Moore/Dave Gibbons d’être lauréat du prix dans la catégorie meilleur auteur/artiste.
Watchmen a eu le même succès lors de la première cérémonie des Harvey Awards en 1988. Là aussi, Watchmen remporta le prix de la meilleure suite de série ou meilleure mini-série – devant Concrete de Paul Chadwick, Love and Rockets de Jaime et Gilbert Hernandez, Nexus de Mike Baron, Steve Rude, Paul Smith et John Nyberg, et Swamp Thing de Rick Veitch et Alfredo Alcala – et le prix du meilleur roman graphique, devançant là aussi Batman: Son of the Demon et Rio, ainsi que Daredevil: Born Again de Frank Miller et David Mazzuchelli et la collection d’albums de Moebius. Watchmen a aussi remporté le prix du meilleur numéro pour son neuvième numéro et a obtenu le prix spécial pour l’excellence dans sa production, rare prix attribué dans l’histoire des Harvey Awards. Pour couronner le tout, Alan Moore a été élu meilleur auteur grâce à Watchmen durant cette cérémonie, Dave Gibbons a été élu meilleur artiste et John Higgins a même reçu le prix pour la meilleure colorisation en tant que coloriste de Watchmen.
Au-delà de ces nombreux prix, Watchmen est aussi le premier comics de l’histoire à obtenir un Hugo Award, dédié aux oeuvres de science-fiction et est le seul roman graphique à avoir été inclus dans la liste des 100 meilleurs romans depuis 1923 par le magazine Time. Et encore, nous n’avons parlé que des prix américains, car Watchmen a aussi décroché le prix du Festival d’Angoulème en France, un prix Max & Moritz en Allemagne et un prix Urbunden en Suède.
Pourquoi Watchmen est-il un classique ?
Si Watchmen est l’un des comics les plus réputés et les plus primés de tous les temps, il y a bien une raison, ou même un ensemble de raisons qui font de cette oeuvre quelque chose d’unique.
D’un point de vue de l’histoire tout d’abord, Watchmen était certainement un comics en avance sur son temps. Alan Moore et Dave Gibbons avaient l’intention d’écrire un satire des super-héros, mais à l’opposé de tout ce qui s’était fait jusque là. Alors que les satires de super-héros étaient dans le passé tous dans un but humoristique, l’idée était ici de rendre ces super-héros – tous inspirés de super-héros existants – plus dramatiques, plus sombres, plus violents, avec une histoire plus mature et destinée à un public plus adulte. Cette idée fut non seulement appliquée mais fut réussie avec brio, faisant de Watchmen l’un des comics pionniers dans ce ton et ouvrant la porte à davantage d’histoires de ce genre dans les années suivantes et encore actuellement, comme en atteste le lancement du label Vertigo de DC en 1993.
Au-delà d’être un satire des super-héros, Watchmen, à travers la façon de dépeindre son monde et la façon de penser de ses personnages, est aussi la possibilité pour ses créateurs de commenter l’actualité et la situation politique de l’époque. Le comics aborde des thématiques dignes des plus grandes peurs de la société en dépeignant un monde proche d’un monde dystopique tout en n’étant pas si éloigné de notre monde. L’atmosphère est pesante, oppressante et installe au fur et à mesure une intrigue qui prend des proportions de plus en plus grandes.
Toutefois, Moore et Gibbons l’avouent, au final c’est plus la façon de raconter l’histoire qui a stimulé leur créativité plutôt que l’histoire en elle-même. Dave Gibbons avait pris le parti de n’utiliser que des planches en neuf cases, afin de rendre le comics unique et ses planches directement identifiables. De même, Gibbons a aussi délibérément dessiné avec des traits plus épais et dans un style qui divergeait des comics de super-héros habituels. Cette disposition systématique en neuf cases s’est vite avérée un outil important dans la mise en scène de l’histoire pour Moore.
En effet, Watchmen, par sa scénarisation, fut aussi un comics consciemment créé pour démontrer les avantages intrinsèques du médium par rapport à d’autres formats de storytelling. L’histoire est ainsi racontée de manière non-linéaire, repoussant même les limites du concept. L’histoire alterne entre le passé, le présent et le futur de manière erratique et raconte parfois l’histoire de deux personnages en parallèle, allant même jusqu’à avoir des pensées ou dialogues qui se répondent entre différents plans de l’histoire.
En réalité, Watchmen a non seulement déjà été analysé à de nombreuses reprises, il s’agit aussi d’un comics qui prendrait bien plus de temps à analyser qu’un autre. Nous aurions beau en parler des heures, au final il s’agit d’une expérience à vivre pour comprendre l’étendue de la masterclass réalisée par Alan Moore et Dave Gibbons encore jamais, ou tout du moins rarement égalée jusqu’à présent.
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