Comics Out est de retour en ce mois de mars et nous allons aujourd’hui nous pencher sur un récent roman graphique qui mérite toute votre attention. Clairement l’une des pépites de ces dernières années, The Magic Fish est le sujet d’aujourd’hui, mais avant tout, de quoi s’agit-il ?
Qu’est-ce que The Magic Fish ?
The Magic Fish est un roman graphique publié chez Penguin Random House en 2020. Chez nous, il fut publié en 2022 auprès des éditions Ankama.
The Magic Fish est à la fois écrit et dessiné par Trung Le Nguyen, un auteur/dessinateur d’origine vietnamienne qui a intégré plusieurs éléments de sa propre vie dans ce qui est son tout premier roman graphique. Né dans un camp de réfugiés vietnamiens aux Philippines, Nguyen émigre aux Etats-Unis à l’âge de 2 ans et se prend rapidement d’une passion pour le dessin. Malgré qu’il arrête ce passe-temps pendant plusieurs années, Trung Le Nguyen reviendra à sa première passion en étudiant l’art et en choisissant de faire carrière dans les comics. Il débutera par dessiner un livre de coloriage érotique pour adultes, Fauns & Fairies, avant de dessiner un numéro de l’anthologie de romance Twisted Romance chez Image Comics et de se dévoiler ensuite au grand public avec The Magic Fish.
Ce roman graphique raconte l’histoire d’un jeune Américain d’origine vietnamienne, Tién, qui améliore son anglais après les cours en lisant des contes de fée avec sa mère. L’histoire alterne entre le présent, le passé de sa mère Hién lorsqu’elle était encore au Vietnam et des contes de fée, permettant aux lecteurs de les suivre aisément grâce à des codes couleur distincts. L’histoire voit trois contes se succéder et apporter du contexte dans l’évolution de l’histoire générale, axée autour de la relation entre Tién et sa mère.
Le roman graphique a été encensé par la critique et a remporté de nombreux prix. Au-delà d’avoir valu à Trung Le Nguyen d’être nominé pour l’Eisner Award du meilleur auteur/dessinateur, The Magic Fish a surtout remporté deux Harvey Awards, étant récompensé à la fois comme meilleur livre et meilleur livre pour enfants ou jeunes adultes. Le roman graphique a même été récompensé en Italie (Romics) et en France (Angoulème) dans les catégories de livres pour enfants.
Mais si The Magic Fish figure dans Comics Out aujourd’hui, c’est parce qu’il s’agit évidemment d’un roman graphique également encensé pour sa représentation LGBTQ+. Celui-ci fut en effet nominé en 2021 aux GLAAD Media Awards dans la catégorie Comics et, la même année, il figurait dans la Rainbow List de l’American Library Association, une liste annuelle présentant les meilleures oeuvres LGBTQ+ pour jeunes lecteurs dans le cadre de l’éducation.
The Magic Fish : un roman graphique sur le coming out à un jeune âge
The Magic Fish suit l’histoire du jeune Tién, qui s’avère être gay. Au fil de l’histoire, le lecteur apprend l’orientation sexuelle du jeune garçon d’origine vietnamienne, qui craque sur un garçon de sa classe, Julian. Celui-ci est assez ouvert sur le sujet avec sa meilleure amie, Claire, la seule à savoir. Le problème est que Julian est aussi son ami, ce qui risque de poser problème en vue du bal de début d’année. Trouvant un compromis, ils décident finalement d’aller à trois au bal. Tién craint cependant de révéler à son ami Julian qu’il est gay et discute régulièrement avec Claire de la peur de la réaction de ses parents s’ils l’apprenaient.
Pour ses parents, Tién va au bal, mais sans connaitre le cavalier ou la cavalière de leur fils notamment car sa mère Hién doit s’absenter en dernière minute pour le Vietnam pour l’enterrement de sa mère. A l’école, Tién passe un super bal de fin d’année avec ses amis et voit même Julian l’inviter à danser. Tién lui révèle qu’il est gay et Julian lui dit qu’il le savait mais qu’il ne l’est pas personnellement. Julian reste cependant très attentionné avec Tién et le considère comme un véritable ami dont il est très proche.
Cette proximité est aperçue par la professeur de Tién, qui décide d’organiser une “intervention” pour le jeune garçon, faisant venir un prêtre pour parler avec lui. Les deux adultes le pressent alors pour qu’il garde sa sexualité pour lui car une telle révélation anéantirait certainement sa famille. Hién revient ensuite de son voyage au Vietnam et est convoquée à l’école par ces mêmes personnes, qui lui expliquent la situation. Elle apprend ainsi l’homosexualité de son fils avant qu’il puisse lui dire.
Rentrant en silence à leur maison, Tién et Hién reprennent leur activité habituelle : lire un conte de fée. Tién choisit un conte qu’il aime bien et qu’ils ont déjà lu plusieurs fois, un conte similaire à La Petite Sirène, dans laquelle une sirène doit trouver le véritable amour à la surface après être tombée amoureuse d’un homme qu’elle a sauvé dans l’océan. Hién décide cependant de changer l’histoire en la racontant, introduisant un troisième personnage, une amie de l’homme dont la sirène est tombée amoureuse. L’homme demande en réalité à son amie de l’épouser mais celle-ci refuse car préfère être avec une fille, devenant le véritable amour de la sirène. Hién termine l’histoire en disant à Tién qu’elle ne sait pas comment parler de ce genre de sujets mais qu’elle veut juste être à ses côtés et le voir grandir.
The Magic Fish est-il une bonne représentation de la communauté LGBTQ+ ?
The Magic Fish est indéniablement une bonne représentation de la communauté LGBTQ+, et il ne s’agit pas uniquement des nominations mentionnées plus haut qui le prouvent. Le roman graphique est l’un des rares à représenter plusieurs aspects avec justesse.
Tout d’abord, The Magic Fish aborde le sujet qui est sans doute le plus compliqué dans ce genre de thèmes : celui du coming out. Le roman graphique souligne la difficulté de parler de son orientation sexuelle à ceux qu’on craint le plus d’en parler : ses parents. L’histoire traite magnifiquement bien des idées qui passent par la tête des enfants ou adolescents qui veulent faire leur coming out auprès de leurs parents, craignant qu’ils ne seront pas acceptés tels qu’ils sont, qu’ils seront peut-être même jetés en-dehors de chez eux et reniés, ou bien que cette annonce risque de briser la famille. C’est une sensation qui devient alors pesante pour l’enfant, qui est rongé par une culpabilité d’être comme il est, d’être quelqu’un qui sort des cases prédéfinies par la société.
Ce côté atypique par rapport à la société, on le comprend aussi par la réaction des enseignants et du prêtre dans l’histoire. Société voyeuriste ne cherchant qu’à éviter l’impact qu’une telle annonce pourrait avoir sur eux plutôt que sur l’enfant, il vaut mieux pour eux que ces sentiments soient refoulés parce que cela les arrange. Ceci est malheureusement une image parfois proche de la réalité qui est dépeinte ici dans ce comics et qui ne fait que renforcer la crainte de l’enfant d’être soi-même.
Fort heureusement, tout le monde n’est pas comme cela et The Magic Fish montre bien qu’il s’agit probablement d’un problème générationnel, comme le démontre la réaction de Julian dans l’histoire qui, du haut de son jeune âge, appréhende l’orientation sexuelle de Tién comme une normalité et l’aide directement à se sentir accepté.
En parallèle, The Magic Fish est aussi l’un des rares comics à montrer une issue positive à ce coming out. L’amour maternel compte plus que tout et Hién accepte Tién tel qu’il est même si elle ne comprend pas tout. Ainsi, par ce genre de comportement parental dépeint dans l’histoire, The Magic Fish est au final l’illustration même de son contenu. Le roman graphique de Trung Le Nguyen est à la fois une histoire LGBTQ+ qui parle aux enfants et aux parents et donc, en d’autres termes, une histoire qui peut tout bonnement être lue ensemble.
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