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La chronique Comics Out est de retour ! En ce mois d’avril, il est temps de nous pencher sur un très grand classique des comics LGBTQ+ : Strangers in Paradise. Mais savez-vous de quoi il s’agit ?
Qu’est-ce que Strangers in Paradise ?
Strangers in Paradise est l’un des comics indépendants s’étant le plus inscrit dans la durée. Débutant en 1993 en tant qu’une mini-série publiée chez Antartic Press, l’histoire continua ensuite avec une nouvelle série de 13 numéros publiés entre 1994 et 1996 chez Abstract Studio, le studio du créateur du comics. Strangers in Paradise a ensuite continué avec une troisième série du même nom qui, après un passage pour ses 8 premiers numéros chez Image Comics, continuera finalement pendant 90 numéros, jusqu’en 2007, chez Abstract Studio. L’intégralité de la série a été rééditée chez Abstract Studio en 19 tomes brochés, puis 10 tomes reliés (regroupant approximativement 2 tomes brochés en un à chaque fois). Depuis 2023, Strangers in Paradise a même été rééditée en 4 tomes brochés extra-larges de près de 500 pages.
Chez nous, les lecteurs francophones ont pu découvrir Strangers in Paradise à partir de 1999, avec les 3 premiers tomes parus chez l’éditeur Le Téméraire. Les droits du comics en VF sont ensuite passé chez Bulle Dog, qui publia à son tour 7 tomes entre 2000 et 2003. Ce n’est qu’avec l’arrivée de la série chez Kymera en 2006 que la série sera publiée dans son intégralité en VF, avec 18 tomes correspondant aux versions originales, publiés entre 2006 et 2013. Actuellement, c’est Delcourt qui réédite Strangers in Paradise dans une édition intégrale en 4 tomes, à l’image de la récente édition d’Abstract Studio.
Strangers in Paradise est écrit et dessiné par Terry Moore. L’auteur et dessinateur américain a en réalité commencé en publiant lui-même Strangers in Paradise est s’est fait connaitre grâce à cette oeuvre monumentale, la publiant sous son propre label Abstract Studio, qu’il lance en 1993 à l’âge de 39 ans après une carrière comme monteur vidéo. Après la fin de Strangers in Paradise en 2007, Moore a fait un très bref passage chez Marvel pour écrire la série Spider-Man Loves Mary-Jane et une nouvelle série Runaways mais reviendra rapidement à ses propres oeuvres, publiant successivement Echo, Rachel Rising et Motor Girl, qu’il confirmera comme existant dans le même univers avec la mini-série Strangers in Paradise XXV. Moore continue encore à ce jour à publier ses oeuvres chez Abstract Studio, dont la récente Serial.
Si Strangers in Paradise figure dans cette chronique, c’est parce qu’elle comporte plusieurs éléments LGBTQ+, au point d’être la seule oeuvre à avoir remporté le GLAAD Media Award à deux reprises, en 2000 et 2008. Le comics a aussi reçu l’Eisner Award de la meilleure histoire pour l’arc narratif “I Dream of You” (les 8 premiers numéros de la troisième série) en 1996.
Strangers in Paradise : un carré amoureux complexe au coeur de relations LGBTQ+
Il serait bien difficile de vous résumer l’histoire de Strangers in Paradise en si peu de mots, sachant que la série compte un total de 106 numéros et que l’histoire débute sur les chapeaux de roues. L’histoire se centre sur une petite poignée de personnages, dont les principaux forment un triangle amoureux.
Au milieu de ce triangle, on trouve incontestablement Katina Choovanski, dite Katchoo, une jeune femm lesbienne qui a un passé mystérieux et a toujours été amoureuse de sa meilleure amie, Francine Peters. Cette dernière est cependant en couple avec un homme avec qui elle n’est pas heureuse et elle vit avec Katchoo, qu’elle considère comme sa meilleure amie. Katchoo veille sur Francine au quotidien, allant jusqu’à menacer son petit ami qui la traite mal, mais prendra toutefois du temps à avouer ses véritables sentiments à Francine qui, une fois au courant de ses sentiments, fait face à un dilemme entre embrasser ses sentiments pour Katchoo ou tenter d’accomplir son rêve de devenir mariée et mère.
Au milieu de celles-ci vient s’ajouter rapidement David Qin, un étudiant en art qui se lie d’amitié avec Francine et Katchoo et qui tombe amoureux de cette dernière. Katchoo, succombant à ses avances un soir, gardera une relation ambigüe avec David tout au long de la série, même après que les véritables origines de David soient découvertes. David restera ami avec Katchoo mais mettra du temps à passer à autre chose que les sentiments amoureux qu’il éprouve pour elle.
SI les relations amoureuses sont déjà compliquées à ce stade, l’histoire se complexifiera un peu plus vu que le triangle deviendra un carré amoureux avec l’arrivée de Casey Bullock, d’abord introduite comme la nouvelle petite amie de l’ex-compagnon de Francine. Après que Casey se rende compte de l’horrible personnage qu’est son mari, elle divorcera et entretiendra d’autres relations. Bisexuelle, Casey aura notamment une relation avec Katchoo mais s’engagera surtout romantiquement avec David.
En parallèle de ces histoires amoureuses complexes, Strangers in Paradise voit la série avancer et son histoire devenir de plus en plus surprenante. Le passé mystérieux de Katchoo est dévoilé et est un véritable tournant dans l’histoire, qui ne sera pas spoilée ici.
Strangers in Paradise est-elle une bonne représentation LGBTQ+ ?
Strangers in Paradise est incontestablement une bonne représentation de la communauté LGBTQ+. Il sera difficile de le nier quand la série a remporté deux prix dans ce cadre, certes, mais celle-ci est véritablement l’une des meilleures représentations en filigrane d’un scénario et de personnages complexes.
Malgré la quantité de personnages ou relations amoureuses LGBTQ+ en son sein, ce serait être réducteur que de caractériser Strangers in Paradise comme une histoire LGBTQ+. Les histoires amoureuses complexes décrites ci-dessus se déroulent sur plusieurs années mais sont surtout des histoires secondaires dans la vie des personnages principaux. Ceux-ci sont les acteurs d’un scénario rocambolesque et dépeignent en réalité la complexité des relations humaines, au-delà de simples relations LGBTQ+.
C’est ainsi que l’histoire va notamment aborder des sujets parfois assez lourds, tels que la prostitution de mineures lesbiennes ou le fait de vouloir échapper à un passé chaotique. D’autres sujets connexes aux relations amoureuses seront aussi abordés avec beaucoup de justesse, comme la maternité et l’impossibilité de la connaitre, ou encore la frontière floue entre l’amitié et l’amour.
A travers des personnages extrêmement attachants, l’oeuvre emmène les lecteurs dans toutes les directions et se veut être une allégorie des relations humaines dans la vraie vie : imprévisibles, complexes et puissantes. Les lecteurs ne pourront en effet que faire le parallèle avec une situation d’amitié ou d’amour déjà vécue à un moment ou l’autre de la série, voire même tirer des conclusions par rapport aux choix des personnages.
Ce n’est pas pour rien que Neil Gaiman, auteur réputé de romans et de comics (4 fois meilleur auteur aux Eisner Awards), aussi connu pour sa normalisation de la représentation LGBTQ+ dans ses oeuvres (comme Death: The Time of Your Life abordé plus tôt dans la chronique), fut dithyrambique dans sa description de Strangers in Paradise :
Ce que les gens ignorent au sujet de l’amour, du sexe et des relations avec d’autres êtres humains pourrait tenir dans un livre. Strangers in Paradise est ce livre.
En résumé, Strangers in Paradise est définitivement une oeuvre à découvrir, que ce soit pour ses histoires LGBTQ+ ou son histoire de manière générale. Le comics n’a plus rien à prouver tant celui-ci s’est installé dans le paysage du comic book indépendant et, même s’il s’agit d’une belle et honnête représentation LGBTQ+, vous auriez tort de le considérer uniquement comme une oeuvre LGBTQ+. Strangers in Paradise est tout simplement une oeuvre qui se trouve dans le haut du panier. A lire absolument !
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