Pour ce dernier numéro de la saison, Comics Out vous emmène aujourd’hui dans un conte de fée récent et moderne, celui de The Prince and the Dressmaker. Si vous en avez entendu parlé, c’est peut-être normal, mais sinon il est temps de vous expliquer de quoi il s’agit.
Qu’est-ce que The Prince and the Dressmaker ?
The Prince and the Dressmaker est un roman graphique pour jeunes adultes qui fut publié en 2018 par l’éditeur First Second Books. L’oeuvre de 228 pages a été publiée en version française dès 2018 par Akileos sous le titre Le Prince et la Couturière.
The Prince and the Dressmaker est en réalité un conte de fées original sous forme de roman graphique, avec des protagonistes adolescents, d’où son public cible pour enfants et jeunes adultes. L’histoire suit le Prince Sebastian qui, dans la lignée des contes de fées habituels, voit ses parents le pousser à choisir une épouse, et sa nouvelle couturière Frances, qui saisit une opportunité immense en étant engagée par le Prince.
The Prince and the Dressmaker est à la fois écrit et dessiné par Jen Wang. L’autrice/dessinatrice de Californie a débuté dans le secteur des comics dans les années 2000, se voyant offrir la possibilité de dessiner dans l’anthologie Flight d’Image Comics tout en créant en parallèle ses propres webcomics, Strings of Fate. Elle décroche en 2010 son premier contrat de publication avec l’éditeur qui la suivra dans sa carrière, First Second Books, en publiant son premier roman graphique en tant qu’autrice/dessinatrice, Koko Be Good. Wang a ensuite travaillé comme illustratrice sur d’autres romans graphiques comme Fake Mustache et In Real Life (qui lui a valu un Cyblis Award), comme autrice sur une série Lumberjanes et a créé son deuxième webcomics, The White Snake. C’est finalement en 2018 que Wang sort son deuxième roman graphique écrit et dessiné par ses soins, The Prince and the Dressmaker, qui aura énormément de succès, l’amenant dans la foulée à concevoir le roman graphique de 2019 Stargazing.
Le roman graphique qui nous intéresse aujourd’hui a en effet eu beaucoup de succès, empochant en 2018 le prix du meilleur livre pour enfants ou jeunes adultes aux Harvey Awards, ex aequo avec The Tea Dragon Society de Katie O’Neill. En 2019, The Prince and the Dressmaker remet le couvert en remportant l’Eisner Award du meilleur comics pour adolescents alors que Jen Wang est élue meilleure autrice/dessinatrice grâce à celui-ci lors de la cérémonie.
Même si celui-ci n’a étonnamment pas été nominé aux GLAAD Media Awards pour sa représentation LGBTQ+, le roman graphique est devenu une oeuvre ultra-populaire dans cette catégorie de représentation, en attestent ses Harvey et Eisner Awards mais aussi les droits d’adaptation du comics qui ont été achetés par Universal dès 2018. Les studios comptent bien en faire un film “à la Disney” sous forme de comédie musicale en ayant engagé les compositeurs de Coco et Frozen pour concevoir celui-ci.
The Prince and the Dressmaker : l’histoire d’un Prince et d’une Princesse en une seule et même personne
The Prince and the Dressmaker suit l’histoire du Prince Sebastian, qui vit dans une France fictive dans ce qui semble être une époque proche de l’époque victorienne. Le Prince, qui vient tout juste d’avoir 16 ans, voit ses parents le pousser à choisir une épouse et lui organisent des rencontres avec de nombreuses princesses. Celui-ci ne s’intéresse cependant que très peu à ces rencontres mondaines.
De son côté, la jeune Frances est une couturière qui commence à se faire un nom après avoir conçu une robe osée pour une princesse qui voulait impressionner Sebastian lors du bal de ses 16 ans. Frances est alors engagée par un mystérieux client, impressionné par son travail. Frances est en l’occurence engagée dans le plus grand des secrets par… le Prince Sebastian !
Dans son temps libre, Sebastian aime porter des robes et se sent lui-même en les portant. Il en a cependant marre de voler en cachette les robes de sa mère et engage Frances pour lui concevoir de belles robes. La première création de Frances donne tellement de confiance en lui à Sebastian qu’il emmène Frances pour sortir à un concours de beauté. Sebastian, habillé et maquillé en femme, remporte le concours et se fait nommer Lady Crystallia.
Sebastian fait de plus en plus de sorties en tant que Lady Crystallia et Frances commence à se faire connaitre comme la couturière de celle-ci. Le secret est de plus en plus dur à tenir et est un jour percé par le frère de la princesse que Sebastian a accepté d’épouser. Celui-ci découvre le poteau rose, récupère une Lady Crystallia ivre et ayant perdu sa perruque et l’amène avec beaucoup de dramaturgie au mariage de sa soeur, dévoilant à toute l’assemblée le secret de Sebastian le jour de son mariage, qui n’aura évidemment pas lieu.
Après ces évènements traumatisants, Sebastian fugue et part vivre seul loin de ses parents. Frances le retrouve et les deux se rendent compte qu’ils sont amoureux l’un de l’autre, s’étant énormément rapprochés avec toutes les sorties de Lady Crystallia et le secret partagé. Ses parents l’accepteront finalement comme il est, ne le forçant pas à épouser une princesse car reconnaissent que Frances cherche juste à ce qu’il soit heureux. Les deux tourtereaux vivront alors un amour non conventionnel tout en continuant à partager leur passion pour la mode, Sebastian alternant ses sorties en tant qu’homme et en tant que femme.
The Prince and the Dressmaker est-il une bonne représentation LGBTQ+ ?
The Prince and the Dressmaker est sans aucun doute une bonne représentation LGBTQ+ mais il a une particularité, dans le sens où il se penche sur un sujet peu abordé. Alors que beaucoup d’histoires LGBTQ+ vont surtout se pencher sur l’orientation sexuelle des personnages, c’est davantage l’identité de genre qui est mise en avant dans l’oeuvre de Jen Wang.
Pourtant, à aucun moment du livre, les termes de “transgenre”, “genderfluid” ou “genderqueer” ne sont mentionnés… et c’est sans doute là que l’histoire est une réussite. The Prince and the Dressmaker parle de travestisme et d’une personne qui se sent complètement elle-même lorsqu’elle s’habille en femme sans pour autant parler du genre de Sebastian. L’accent est avant tout mis, de manière assez positive, sur le fait de bien se sentir dans sa peau et sa tenue, qui n’est jamais que l’expression de l’identité en quelques sorte.
C’est aussi là où la distinction entre genre d’apparence et genre identitaire se fait magnifiquement bien. L’histoire traite avant tout de l’apparence de Sebastian/Lady Crystallia, qui alterne entre les deux identités à sa guise d’un point de vue vestimentaire. Aucune mention n’est toutefois faite sur l’identité de genre de Sebastian, même si le plus probable est qu’il se sente à la fois garçon et fille, ce qui serait cohérent avec le changement de tenue vestimentaire et d’attitude. Il est ainsi intéressant à noter que la fluidité de genre n’est pas un sujet souvent abordé et que le roman graphique peut ainsi permettre d’ouvrir les yeux aux lecteurs sur ce phénomène et de casser les mythes sur le travestisme. Ce genre de cas est plutôt habituellement associés aux drag queens avec un amalgame qui est souvent fait sur cette volonté de se travestir : s’ils le font, c’est qu’ils se sentent comme une femme et c’est pour cela qu’ils aiment les hommes.
Bien évidemment, cette explication simpliste et réductrice est loin d’être vraie et The Prince and the Dressmaker le prouve .Sebastian aime être Lady Crystallia mais il aime également être Sebastian. C’est l’association des deux qui le rend heureux et lui permet d’être qui il est. On remarquera aussi que le roman graphique ne fait pas non plus l’amalgame au niveau de l’orientation sexuelle du personnage : Sebastian aime s’habiller en femme mais il reste vraisemblablement attiré aussi par les femmes, tombant amoureux de Frances.
En résumé, The Prince and the Dressmaker est une bonne représentation LGBTQ+ car le roman graphique aborde avec justesse des thèmes complexes et rarement abordés tels que le travestisme et la fluidité de genre, sans tomber dans les clichés et les amalgames. The Prince and the Dressmaker dépeint une histoire fraiche et originale avec une morale qui devrait certainement être assimilée par tout un chacun : écouter son soi intérieur, ne pas le refouler et ignorer le regard des autres.
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- Strangers in Paradise
- Laura Dean Keeps Breaking Up with Me
- Outsiders
- World of Wakanda
- Memetic
Chaque mois, nous produisons aussi six autres chroniques variées : Old But Gold, qui présente des comics primés aux Eisner et Harvey Awards (le mois dernier : The Sandman) ; Know Your Classics, qui présente des comics qui ont marqué l’industrie du comic book (le mois dernier : Gotham by Gaslight) ; Power Girls, qui se centre sur les personnages féminins des comics (le dernier numéro : Jean Grey) ; The Dark Side, qui présente les vilains des comics (le dernier numéro : Ultron) ; Agent Double, qui présente des acteurs/actrices ayant joué au moins deux rôles de comics (le dernier numéro : Hugo Weaving) ; et le Top 5, qui présente un sujet différent chaque mois, comme le TOP 5 des anciens films de comics qui mériteraient un reboot le mois dernier.
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